Documentaire français d’Antonin Peretjatko (2024) 1h02. Sortie le 18 juin 2025.
Des documentaires consacrés à l’invasion de L’Ukraine, il y en a déjà eu beaucoup, surtout à la télévision. Le film que consacre aujourd’hui Antonin Peretjatko à ce conflit commence comme un devoir de mémoire dicté par les circonstances. Quand la guerre éclate, au printemps 2022, il décide d’accompagner un réfugié désireux de retourner chercher quelques affaires chez lui et en profite pour apporter des vivres et des vêtements à ceux qui sont restés. Au fil de ce périple entrecoupé de haltes dans des sites bombardés et d’interminables files d’attente pour trouver du carburant, affleurent les signes extérieurs et les traumatismes liés à ce conflit médiatisé qu’il capte à sa façon, en interrogeant des témoins, en croisant des personnes déplacées et en évoquant des problématiques qui ont cessé de faire la une des chaînes info, à l’instar de ces enfants kidnappés par les Russes dans des pensionnats et des écoles dont on n’a plus aucune nouvelle. Peu à peu affleure la raison profonde qui a incité le réalisateur de La fille du 14 juillet à entreprendre ce périple… au bord de la guerre. Son grand-père parti d’Ukraine soviétique en profitant du contrat de travail d’un cousin, puis empêché par son épouse d’y retourner en 1947 et préservé ainsi d’une probable déportation au goulag promise aux Ukrainiens déjà victimes de l’Holodomor. Voyage au bord de la guerre n’adopte pourtant jamais la forme d’un voyage initiatique, mais plutôt d’une sorte de pèlerinage en l’espace de deux voyages effectués à neuf mois de distance, sans autre but que de témoigner de ce que ne nous montrent jamais les actualités.
Le film débute par “cinq minutes de Russie” à travers les images filmées naguère par le réalisateur lorsqu’il avait entrepris de traverser l’URSS à bord du transsibérien. Avec l’humour narquois qu’on lui connaît, il pointe à posteriori tous ces interdits de la SNCF que transgressaient allègrement les citoyens russes en se penchant par les fenêtres des compartiments en se prélassant sur les voies ou en vendant n’importe quoi à la sauvette, tandis qu’à bord, les repas étaient servis à l’heure de Moscou, quelle que soit l’avancée du convoi. Comme pour rappeler aux voyageurs où se trouvait le centre du monde soviétique. Cette introduction est suivie des images filmées de nos jours par le cinéaste avec une antique caméra 16mm, le tout commenté par sa propre voix à la façon de Godard ou de certains sujets de l’émission “Cinéma cinémas”. Peretjatko signe avec ce film d’à peine une heure un état des lieux où la guerre n’est présente que par ses échos, ses dévastations et ses conséquences, avec cette rue miraculeusement reconstruite grâce au milliardaire américain Warren Buffett qui semble vouloir confirmer ce vieil adage selon lequel « quand le bâtiment va, tout va ». Ce Voyage au bord de la guerre en dit beaucoup plus qu’il ne pourrait y paraître sur un conflit qui résonne au cœur de l’Europe comme un signal d’alarme à l’attention des démocraties assoupies.
Jean-Philippe Guerand
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