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“Reflet dans un diamant mort” d’Hélène Cattet et Bruno Forzani



Film belgo-luxembourgo-italo-français d’Hélène Cattet et Bruno Forzani (2025), avec Fabio Testi, Yannick Renier, Koen de Bouw, Maria de Medeiros, Barbara Hellemans, Thi-Mai Nguyen, Céline Camara, Sébastien Landry, Kezia Quintal… 1h27. Sortie le 25 juin 2025.



Yannick Renier



Révélés à l’avènement du troisième millénaire, Hélène Cattet et Bruno Forzani creusent depuis un sillon unique sur le registre du cinéma bis qui a commencé avec Amer (2009) et s’est poursuivi avec L’étrange couleur des larmes de ton corps (2013), puis Laissez bronzer les cadavres (2016). Des films référentiels aux titres accrocheurs qui ont le bon goût de ne surtout jamais étaler leur science, mais d’assumer leurs partis pris narratifs et esthétiques en multipliant les clins d’œil à l’intention des initiés comme du grand public. Les références du tandem tournent surtout autour du fameux cinéma bis italien dont ils maîtrisent les codes à la perfection. C’est dans cet esprit qu’ils confient le rôle principal de leur nouveau film à l’octogénaire à l’œil humide et au sourire carnassier Fabio Testi qui trimballe avec lui ses faits d’armes impressionnants dans ce domaine à travers plus d’une centaine de rôles. Reflet dans un diamant mort se positionne clairement en référence aux films d’espionnage en vogue dans les années 60, avec comme repères James Bond 007, OSS 117, Matt Helm ou Flint, mais aussi ces clones plus modestes que furent Lemmy Caution, Coplan, Marie-Chantal et le Tigre en France, mais aussi Super 7, l’agent secret 070, A008, l’agent 077, Lemmy Logan, Dick Smart, Flit ou… James Tont en Italie. C’est en référence à tous ces aventuriers plus ou moins fantaisistes qu’ils ont conçu leur propre héros et l’ont paré des signes extérieurs les plus ostentatoires de sa fonction. Avec cette variable savoureuse qui considère que tout peut arriver et plus encore…



Maria de Medeiros



John D (campé jeune par Yannick Renier) a beau être officiellement à la retraite, il lui suffit d’un incident pour renouer avec ses automatismes. Cloitré dans un palace paradisiaque avec vue sur la mer, il est mis en état d’alerte par la soudaine disparition de sa voisine et suspecte ses ennemis jurés d’avoir repris du service pour le défier dans un ultime affrontement en guise de baroud d’honneur. L’occasion pour lui de démontrer qu’il n’a rien perdu de ses bons vieux réflexes professionnels et de démasquer enfin son adversaire masqué de toujours, Serpentik. Les réalisateurs connaissent la chanson et règlent avec une sophistication de tous les plans cette machine à haute précision dont le seul objectif identifié semble être de distraire sans arrière-pensée inutile. Nul besoin d’être adepte du cinéma d’espionnage traditionnel pour goûter aux subtilités de ce film jubilatoire qui satisfait aux conventions du genre avec une rare élégance. Il y a un caractère régressif dans cette aventure ponctuée de signes de reconnaissance dont les metteurs en scène soignent le moindre détail avec la complicité d’un producteur fidèle et connaisseur, François Cognard, lequel débuta naguère en tant que journaliste au magazine “Starfix” et est passé à l’acte avec une expertise peu commune. Grâce à un soin artistique qui éclate au détour de chaque plan, de la photo référentielle de Manu Dacosse à la décoratrice de Julia Ducournau, Laurie Colson, Reflet dans un diamant mort distille un charme de nature à combler les amateurs de curiosités autant que les spectateurs nostalgiques d’un cinéma conçu pour nous en mettre plein les yeux et sérieux comme le plaisir.

Jean-Philippe Guerand







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