The Life Of Chuck Film américain de Mike Flanagan (2024), avec Tom Hiddleston, Mark Hamill, Chiwetel Ejiofor, Karen Gillan, Jacob Tremblay, Annalise Basso, Benjamin Pajak, Matthew Lillard, Carl Lumbly, Harvey Guillen, Kate Siegel, Mia Sara, Q’Orianka Kilcher, Trinity Jo-Li Bliss, Antonio Raul Garcia… 1h51. Sortie le 11 juin 2025.
Annalise Basso et Tom Hiddleston
Stephen King figure assurément à la fois parmi les écrivains les plus prolifiques et les plus souvent adaptés au cinéma. Le site IMDb en recense déjà la bagatelle de plus de quatre cents ! Il faut dire que son imagination fourmillante est de celles qui inspirent, que ce soit dans une nouvelle de quelques pages ou un épais roman, il y a souvent en filigrane matière à s’approprier une idée ou un thème. D’où la variété des cinéastes qui s’y sont abreuvés, des maîtres Stanley Kubrick (Shining), Brian de Palma (Carrie) et Rob Reiner (Misery) aux tâcherons chargés de raconter une bonne histoire. Ce n’est pas vraiment une surprise de découvrir aujourd’hui le sort réservé à “La vie de Chuck”, bref roman paru dans le recueil “Si ça saigne” (Albin Michel, 2021), par Mike Flanagan que l’écrivain lui avait envoyé avant parution, comme il a coutume de le faire à l’adresse des cinéastes avec lesquels il se sent quelques affinités. Le réalisateur avait déjà porté à l’écran Jessie (2017), Doctor Sleep (2019) et sous forme de série La tour sombre (2025). Life of Chuck contraste avec l’atmosphère souvent anxiogène des œuvres de King et des réalisations de Flanagan. C’est la chronique en trois parties d’une vie plutôt heureuse qui s’inscrit dans la vision traditionnelle de l’American Way of Life célébré par le cinéma des années 50 et 60 dans le cadre d’une vaste campagne de ce qu’on n’appelait pas encore le Soft Power mais dont Hollywood constituait le fer de lance par son rayonnement universel.
Life of Chuck se décompose en trois parties qui racontent à rebours le parcours d’un homme qui va en quelque sorte échapper à la banalité de son destin inscrit dans un environnement d’une incroyable banalité où toutes maisons d’un blanc immaculé sont identiques, comme la reproduction sociale d’une démocratie idéale, avec ses gamins qui déposent le journal sur le pas de la porte et ces voitures rutilantes qui circulent harmonieusement sur des routes soigneusement entretenues. L’esprit est plus proche de ces deux joyaux que sont Les évadés et La ligne verte par sa vision du monde. Le film renvoie quant à lui à ces comédies sentimentales qu’interprétaient Rock Hudson et Doris Day avec leurs boys and girls next door en quête de l’amour de leur vie. À cette nuance près qu’ici on connaît la fin dès le début et qu’on sait que ce bonheur sera illusoire. Du coup, la construction évite l’angoisse ou même l’appréhension et on savoure chaque moment de ce bonheur précaire. Et c’est là où Mike Flanagan excelle en s’offrant des moments de pure jubilation, y compris un détour miraculeux de sept minutes par la comédie musicale qui renvoie à l’âge d’or autant qu’à La La Land par sa grâce et son élégance. On en arrive à oublier que tout cela se terminera mal car… on l’a déjà vu et que cette idée de raconter le pire avant le meilleur a le mérite de donner à ce bonheur illusoire une urgence immédiate où l’insouciance en vient à tout submerger de sa magie, en désamorçant par ailleurs tout suspens inutile. Quant à ce Charles Krantz dit Chuck (incarné successivement par Tom Hiddleston et Jacob Tremblay) élevé au rang de symbole par des panneaux publicitaires omniprésents, c’est L’homme de la rue de Frank Capra qui se retrouverait malgré lui confronté à l’apocalypse imminente mise en scène par Lars von Trier dans Melancholia. Avec en prime le toujours iconique Mark Hamill.
Jean-Philippe Guerand
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