Film irlando-britannique de Rich Peppiatt (2024), avec Móglai Bap, Mo Chara, DJ Próvai, Michael Fassbender, Josie Walker, Fionnuala Flaherty, Jessica Reynolds, Adam Best, Simone Kirby, Matthew Sharpe, Donagh Deeney, Marty Maguire, Lalor Roddy, Gerry Adams… 1h45. Sortie le 18 juin 2025.
Móglai Bap et Josie Walker
Kneecap : un titre énigmatique pour un film qui revisite le genre du biopic sous un angle particulièrement original. Avec d’entrée de jeu un sérieux handicap : le groupe de rap et de hip-hop dont il est question est inconnu de la grande majorité des Français, mais brandit sa revendication identitaire comme un étendard à travers un attachement viscéral à son signe de reconnaissance menacé à très brève échéance. La spécificité de ce trio de Belfast consiste à mettre sa notoriété au service d’une cause identitaire : la sauvegarde de sa langue menacée d’extinction, faute d’être pratiquée au quotidien par l’homme de la rue qui préfère s’exprimer en anglais. Interdite pendant des siècles, l'irlandais est redevenu une des langues officielles de l’Irlande du Nord en 2022. Ces sympathisants de la cause républicaine et de l’indépendance de l’Irlande du Nord ont réussi à mettre leur renommée artistique au service d’un authentique combat politique. Le premier film de fiction de Rich Peppiatt a connu une carrière prolifique dans les festivals où il a été sélectionné : un prix du public à Sundance, trois récompenses aux Arcs, une au festival Premiers Plans d’Angers et le Bafta de la révélation. Il innove par sa façon de fictionnaliser le destin de Kneecap en décrivant ce trio infernal en première ligne d’un combat proprement identitaire qui lui a valu un surcroît inattendu de notoriété en politisant à l’extrême sa démarche artistique et en en récupérant les fruits mûrs.
Móglai Bap
Réputé pour son inventivité et son engagement, le réalisateur anglais naturalisé irlandais entre-temps multiplie les audaces visuelles en jouant la carte d’un humour potache qui cadre avec le caractère frondeur de ce groupe capable de rallier son public à sa cause et de mettre le feu, à tous les sens du terme. Autre atout maître du film, son interprétation associe les membres authentiques de Kneecap qui exploitent à merveille leur nature de bêtes de scène avec dans le rôle du père du leader Michael Fassbender à qui son interprétation de l’activiste Bobby Sands dans Hunger de Steve McQueen a valu de bénéficier d’une considération particulière de la part du public irlandais séduit par sa prestation. C’est dire à quel point ce film inventif, pétillant et volontiers frondeur réussit à remplir son contrat en évitant tous les pièges d’un genre dont il se plaît à transgresser les codes. Son positionnement stratégique entre la Fête de la musique et celle du cinéma mérite aujourd’hui de lui assurer une attention particulière de la part de celles et ceux qui apprécient les films pourvus d’un supplément d’âme. Avec en prime une musique (et des paroles !) dont l’identité assumée mérite toute notre attention.
Jean-Philippe Guerand
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