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“Elio” de Madeline Sharafian, Domee Shi et Adrian Molina



Film d’animation américain de Madeline Sharafian, Domee Shi et Adrian Molina (2025), avec (voix) Yonas Kibreab / Nathan Dupont, Zoe Saldana / Zita Hanrot, Jameela Jamil / Caroline Victoria, Brad Garrett / Emmanuel Jacony, Remy Edgerly / Noé Richard… 1h39. Sortie le 18 juin 2025.





Orphelin confié à sa tante, Elio Solís est un enfant de 11 ans renfermé et introverti qui a du mal à nouer des liens avec ses camarades de classe dont il est régulièrement le souffre-douleur, mais rêve secrètement d’entrer en communication avec des extra-terrestres. Jusqu’au jour où, miraculeusement envoyé dans les cieux après avoir intercepté une réponse encourageante au message transporté par la sonde Voyager à travers l’espace depuis 1977, il se retrouve malgré lui au cœur du Communiverse, une sorte d’ONU des espaces infinis. Au sein de cette organisation interplanétaire qui réunit des représentants des galaxies les plus éloignées, ses interlocuteurs venus d’ailleurs le prennent pour l’ambassadeur assermenté des Terriens. Contraint d’assumer ce rôle écrasant malgré lui, le gamin enthousiasmé trouve un soutien précieux en la personne d’un extra-terrestre amical et de ses homologues aux physiques étranges, tandis que sa tante continue à veiller sur lui malgré la distance. On retrouve au cœur de la nouvelle production du studio Pixar un leitmotiv bien connu de sa maison mère, Disney : l’importance fondamentale de la famille, déjà prépondérante dans une franchise comme Toy Story. Le film joue par ailleurs sur la fascination qu’exerce sur les enfants la conquête de l’espace considérée ici comme un dérivatif à un quotidien déprimant sinon cruel.





Elio ne comptera sans doute pas aux yeux des puristes parmi les œuvres majeures des studios Pixar. C’est pourtant un jalon véritable dans la longue marche du cinéma d’animation pour au moins une raison : sa finesse psychologique est marquée par des ruptures de rythme incessantes qui nous permettent d’appréhender les états d’âme de ce préadolescent silencieux et timoré à qui son évasion dans l’imaginaire va permettre de trouver une certaine foi dans le quotidien. Ce choc émotionnel, le film l’exprime à travers des petits riens comme on en voit davantage dans le cinéma traditionnel que dans l’animation où la nuance est délicate à exprimer sans la surligner. Outre le fait que son œil gauche est occulté comme celui de Kurt Russell dans le classique de John Carpenter New York 1997 (1981), le visage d’Elio est ici observé comme un paysage mental d’où affleurent quelques signes révélateurs sur lesquels s’attardent des gros plans où aucun détail n’a été négligé. Étrange sensation qui fait passer dans une toute autre dimension ce cinéma souvent associé au pur divertissement qui ajoute à son cahier des charges dans ce domaine une profondeur vertigineuse. Au slogan d’Alien qui affirmait que “ dans l’espace, personne ne vous entend crier ”, Elio démontre qu’en revanche, on peut vous entendre (et parfois aussi vous voir) pleurer. Sans y chercher un rapport de cause à effet, parmi ses trois réalisateurs, deux sont des femmes et l’on ne peut que s’en réjouir.

Jean-Philippe Guerand







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