Film américain de Len Wiseman (2025), avec Ana de Armas, Keanu Reeves, Ian McShane, Lance Reddick, Norman Reedus, Anjelica Huston, Sharon Duncan-Brewster, Robert Maaser, Abraham Popoola, Togo Igawa, Catalina Sandino Moreno, Gabriel Byrne, David Castañeda, Anne Parillaud… 1h57. Sortie le 4 juin 2025.
Lance Reddick et Ana de Armas
Certains héros engendrent leur propre monde. C’est plus courant dans le domaine des séries que du cinéma où les spin-of ne sont pas encore vraiment légion. Saga atypique dont les résultats s’améliorent de film en film en lui valant une rentabilité exponentielle, John Wick fait aujourd’hui une émule en la personne d’Eve Macarro, une ballerine devenue une redoutable tueuse au service de l’organisation secrète Ruska Roma que dirige une maîtresse femme campée par Anjelica Huston qui lui tient lieu en outre de mère de substitution. Ballerina, le premier opus dont elle est l’héroïne, se déroule au même moment que John Wick Parabellum (2019) -où elle effectuait une apparition sous les traits de la danseuse de ballets Unity Phelan- dont l’ange exterminateur campé par un Keanu Reeves plus christique que jamais accomplit une apparition déterminante au moment où la combattante devient la cible d’un village tout entier. Le scénariste Shay Hatten relève là un défi risqué mais excitant qui propose une sorte de dédoublement de l’action, en testant l’éventualité d’une nouvelle franchise. Il décline par ailleurs le concept originel au féminin et offre un nouvel emploi à la comédienne cubaine Ana de Armas qui se montre à la hauteur des paris audacieux dont elle a fait l’objet. Elle crée ainsi un nouvel archétype féminin qui n’a pas grand-chose à envier à ses homologues mâles et pourrait permettre à la franchise de prospérer en se multipliant dans un contexte où les héroïnes d’action ne courent pas vraiment les écrans. Ballerina mêle donc l’utile à l’agréable avec un supplément charme susceptible d’élargir le quota de spectatrices par un phénomène d’identification élémentaire, mais aussi de parer cette marque d’une image de parité particulièrement positive.
Le film de Len Wiseman dont certains combats additionnels ont été réglés par Chad Stahelski, le réalisateur des John Wick originels, repose sur des recettes éprouvées : beaucoup d’action avec quelques scènes d’exposition et d’explication en guise de prétextes. Et même si Ana de Armas, remarquée dans une scène choc de Mourir peut attendre (2021), ne manifeste pas tout à fait la même endurance que Keanu Reeves, capable quant à lui de se battre sans discontinuer contre des dizaines d’adversaires armés jusqu’aux dents, elle possède d’autres atouts propres à son sexe. À commencer par une hargne et un esprit de revanche qui la renvoient à ses origines. Ne serait-ce que par sa personnalité singulière de ballerine soumise à un régime draconien à qui son apprentissage a enseigné la rigueur, la discipline et l’endurance, en l’habituant à tomber sans relâche pour mieux se relever ensuite et se surpasser. C’est le lot de cet art ingrat qu’est la danse classique où le corps en lutte permanente contre lui-même ne peut se transcender qu’en venant à bout des obstacles les uns après les autres. Avec en filigrane un affrontement au sommet entre des agents secrets et des espions qui perpétuent des traditions slaves en toute illégalité. Reste maintenant à savoir si cette Ballerina qui n’a rien à envier aux mâles par sa rage de vaincre réussira à donner un nouvel élan à John Wick, car le spectacle promis est au rendez-vous, pour peu qu’on apprécie ce genre de cinéma. Avec une touche féminine en prime pour contrer l’hégémonie des mâles alpha souvent bas de plafond.
Jean-Philippe Guerand
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