Film américain de Wes Anderson (2025), avec Benicio del Toro, Mia Threapleton, Michael Cera, Tom Hanks, Bryan Cranston, Bill Murray, Riz Ahmed, Scarlett Johansson, Jeffrey Wright, Mathieu Amalric, Rupert Friend, Benedict Cumberbatch, Willem Dafoe, Hope Davis, Richard Ayoade, Charlotte Gainsbourg, Stéphane Bak, Jason Watkins, Antonia Desplat, Max Mauff… 1h41. Sortie le 28 mai 2025.
Rescapé d’un accident d’avion, un capitaine d’industrie déjà visé par plusieurs attentats décide de léguer sa fortune à sa fille unique entrée dans les ordres, quitte à léser sa ribambelle de frères. Il entreprend pour cela de mettre de l’ordre dans ses avoirs. Le point de départ du nouveau film de Wes Anderson ne donne qu’une vague idée de ce qui suit. Le scénario qu’il a écrit avec son complice Roman Coppola ne constitue en fait qu’un prétexte à des scènes. Le metteur en scène s’intéresse en effet davantage à trousser des morceaux d’anthologie qu’à raconter une histoire véritablement cohérente. Une faiblesse narrative qu’il dissimule habilement sous un chapitrage en forme de prétexte, mais qui ne résiste pas à une analyse un peu sérieuse. Comme la plupart de ses films depuis que son réalisateur est entré dans le panthéon des auteurs-cultes, The Phoenician Scheme repose sur une mécanique bien rodée qui ne constitue qu’un prétexte à quelques morceaux d’anthologie souvent bluffants dont le moindre détail est conçu pour plaire. Reste à élucider le véritable sens de ce jeu de construction sophistiqué qui associe des cadrages d’une parfaite harmonie, des camaïeux savamment étudiés, un dispositif artistique qui revendique la perfection d’un story-board et des acteurs célèbres qui ne font parfois qu’un petit tour et puis s’en vont. Qu’importe dès lors qu’on ne sache pas qui est qui et que cette belle mécanique tourne à vide, Wes Anderson est un cinéaste de l’épate qui n’a pas ou plus grand-chose à raconter. Il se comporte en fait comme un illustrateur raffiné, ce qui n’étonnera que ceux qui sont restés hermétiques à la poésie de ses films d’animation, Fantastic Mr. Fox (2009) et L’île aux chiens (2018).
Benicio del Toro, Mia Threapleton et Michael Cera
Passé l’effet de surprise de ses premiers films, Wes Anderson semble s’être reposé sur ses lauriers et a démontré peu à peu que tel un coureur à pied, il est nettement plus à son aise sur le sprint que sur le fond. Son cinéma est celui de l’émiettement, comme l’attestent ce film à sketches assumé qu’était The French Dispatch (2021) et le quatuor de courts métrages qu’il a tiré de nouvelles de Roald Dahl : La merveilleuse histoire de Henry Sugar, Le cygne, Le preneur de rats et Venin. C’est toute la différence avec son compatriote Tim Burton, lui aussi homme d’images, mais beaucoup plus attaché à raconter des histoires qui possèdent un début, un milieu et une fin, quel que puisse être leur ordre. Anderson se comporte un peu comme un enfant gâté qui utiliserait les accessoires d’un Meccano sans consulter le mode d’emploi pour construire des prototypes différents de ceux à l’usage desquels ils ont été conçus, quitte à constater à la fin qu’ils ne fonctionnent pas du tout comme prévu. Certes, il possède les outils, mais ne se préoccupe guère de l’usage qu’il en fera. Résultat : on regarde se dérouler ce film clinquant peuplé de personnages pittoresques, un peu comme des poissons qui tournent sans fin dans un aquarium, sans toujours comprendre leurs actes et surtout leurs motifs. Au point de se demander s’il n’est pas plus satisfaisant d’aller visiter l’exposition que consacre la Cinémathèque Française à ce montreur d’images (jusqu’au 27 juillet 2025) qui donne de plus en plus la fâcheuse impression de n’avoir pas grand-chose à dire, mais d’y mettre les formes avec une débauche d’efforts assez vaine. On peut lui renvoyer la politesse et se lasser de le voir dessiner des ronds dans l’eau, aussi élégants puissent-ils être.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire