Film français d’Antoine Besse (2022), avec Kristen Billon, Théo Christine, Emmanuelle Bercot, Cédric Kahn, Mohamed Makhtoumi, Oscar Copp, Héloïse Janjaud, Annie Mercier, Tom Pezier, Noah Cohen… 1h42. Sortie le 21 mai 2025.
Kristen Billon et Théo Christine
Le cinéma d’apprentissage a longtemps été un genre très balisé, mais aussi universel, qui a souvent servi de banc d’essai à des réalisateurs débutants séduits par l’autofiction. En France, la Nouvelle Vague, puis le nouveau naturel y ont puisé une bonne part de leur inspiration. Avec Ollie, son premier long métrage de fiction, Antoine Besse traite d’un sujet qu’il a déjà abordé dans son premier court métrage Le skate moderne (2014) : la passion d’un sport urbain pratiqué aussi à la campagne. Une discipline acrobatique qui est aussi devenue une véritable philosophie de vie, notamment aux États-Unis où cette pratique irradie le cinéma indépendant pratiqué par quelques rebelles de la Côte Ouest, qu’il s’agisse de Larry Clark (Kids-1995 et Wassup Rockers-2006), Catherine Hardwicke (Thirteen-2003 et Les seigneurs de Dogtown-2005) ou Gus van Sant (Paranoid Park, 2007). Le jeune héros d’Ollie est un gamin en souffrance pour qui cette activité sportive est à la fois un dérivatif au harcèlement scolaire dont il est victime et un moyen de s’intégrer à une communauté, au moment même où il vient de perdre sa mère et ne peut pas vraiment compter sur le reste de sa famille en miettes. Un contexte qui évoque aussi celui d’un film réunionnais sorti il y a quelques mois, Marmaille de Grégory Lucilly dans lequel le breakdance jouait ce rôle de dérivatif. Antoine Besse inscrit par ailleurs cette histoire dans le contexte de la ruralité, comme l’avait fait avant lui Hugo P. Thomas en montrant dans Juniors (2023) des adolescents dont le monde s’écroulait lorsque leur console venait à les lâcher. Rats des villes et rats des champs semblent donc partager davantage de sujets d’intérêt qu’on ne serait tenté de le penser de prime abord.
Héloïse Janjaud et Kristen Billon
Ollie met en scène des jeunes gens déterminés à aller au bout de leur rêve dans un cadre qui ne s’y prête pas vraiment, faute de zones bétonnées pouvant être aménagées en pistes. C’est d’ailleurs à travers la pratique du skateboard qu’Antoine Besse a contracté personnellement la passion du cinéma. Avec pour références le cinéma indépendant américain et la trilogie consacrée par Raymond Depardon à ses origines paysannes, La vie moderne. Son style s’en ressent par sa fluidité et sa proximité constante avec ses protagonistes. Il n’éprouve par ailleurs jamais le besoin de surligner quoi que ce soit et préfère se positionner dans l’accompagnement en s’inspirant du regard de Jeff Nichols dans Mud (2012) davantage que dans une héroïsation sensationnaliste. Il s’appuie pour cela sur Kristen Billon, un jeune interprète impressionnant recruté à l’origine pour ses qualités de skateur (il était à l’époque du tournage champion de France des moins de 16 ans) davantage que pour son talent dramatique pourtant prometteur. Avec à ses côtés dans une composition spectaculaire le toujours très juste Théo Christine dont les choix ne peuvent que forcer le respect par leur exigence et son sens de la composition à toute épreuve. Avec aussi les réalisateurs et acteurs Emmanuelle Bercot et Cédric Kahn qui se prennent au jeu à tous les sens du terme. Ce film dénué de prétention mais jamais d’ambition, y compris sur le plan esthétique, est de ceux qui portent en eux de belles promesses en atteignant leur objectif sans artifices inutiles ni lieux communs. On suivra avec d’autant plus d’intérêt le tour que prendra la carrière de son réalisateur. Cette ode à la liberté possède un charme irrésistible qui doit beaucoup au regard d’Antoine Besse sur cet univers qui lui est à ce point familier qu’il le dépouille de ses lieux communs habituels.
Jean-Philippe Guerand
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