Los domingos mueren más personas Film argentino-italo-espagnol d’Iair Said (2024), avec Iair Said, Rita Cortese, Antonia Zegers, Juliana Gattas, Rosario Ortega, Alejandro Valente, Sofia Vitola… 1h15. Sortie le 7 mai 2025.
Iair Said
Rarement un héros de cinéma a endossé un tel mal-être. Contraint de retourner dans l’Argentine où il a grandi pour assister aux obsèques de son oncle, David renoue à cette occasion avec cette famille juive qu’il a fuie, à commencer par sa mère écrasante qui s’obstine à le traiter comme un gamin, alors qu’il a la trentaine, tout en maintenant son époux dans le coma. Cet homosexuel mal dans sa peau à la suite d’un chagrin d’amour met son séjour à profit pour suivre des leçons de conduite, bénéficier de soins de santé à prix avantageux (c’était avant la prise de pouvoir par le populiste Javier Milei) et chercher des hommes qui voudront bien d’une brève étreinte entre ses bras dodus. Vaste programme qui ne mène nulle part, mais a le mérite de lui confirmer qu’il a bien fait de choisir le chemin de l’exil, tant il se sent mal parmi ses compatriotes. C’est le réalisateur lui-même qui tient le premier rôle ingrat de cette chronique sous l’influence du Woody Allen des débuts en fils à maman incapable de mûrir dans un irrésistible désamour de soi. Un cas pathologique qui suscite autant de compassion que d’amusement, tant on le sent prisonnier d’une enveloppe corporelle ingrate qui ne l’aide pas vraiment à se sentir bien dans sa peau. Le masochisme qu’exprime Iair Said dans son premier long métrage n’a jamais rien de plaintif. Son personnage dont on se prend à penser qu’il ne peut qu’être très autobiographique réussit la prouesse de susciter le rire tant il semble porter le poids du monde et ne rien tenter pour s’en délester. L’acteur-réalisateur affirme toutefois que son personnage affiche les stigmates de plusieurs de ses relations, mais ne lui correspond pas intimement. Dans la tradition juive, on dirait toutefois que ce drôle de loustic est un schlemiel et qu’il assume cette seconde nature comme une fatalité dans un environnement scandé par les traditionnelles fêtes religieuses.
Juliana Gattas, Antonia Zegers, Rita Cortese et Iair Said
Aussi bien devant que derrière la caméra, Iair Said, ex-agent de change reconverti comme acteur puis directeur de casting, manifeste un humour irrésistible qui confère à cette étude de mœurs un ton vraiment attachant. Il sait rendre sa détresse palpable sans jamais chercher à se faire plaindre et l’inscrit dans le cadre d’une vision de Buenos Aires à laquelle le cinéma nous a assez peu habitué, avec son architecture monumentale calquée sur les grandes villes italiennes et sa bohème underground qui ressemble à une cicatrice enfouie. Prompt à rire de sa propre détresse, le réalisateur n’hésite pas à s’attarder sur ses caractéristiques corporelles ingrates pour justifier du malaise dont suinte littéralement son personnage perclus de complexes et de névroses. Quitte à nous inciter à le prendre en pitié plutôt qu’à s’en moquer, avec sa bedaine, sa minerve et ses lèvres bleues que surmonte un regard incroyablement expressif. Cet homme qui pleure se révèle d’ailleurs incroyablement touchant, tant il s’écarte des stéréotypes et des clichés. La crise qu’il traverse l’expose à surréagir à toutes les situations, mais aussi à s’abîmer dans une sorte de fuite éperdue des réalités. Avec à ses côtés trois personnages féminins campés par de véritables divas sud-américaines : l’actrice argentine Rita Cortese, la comédienne chilienne Antonia Zegers, et la chanteuse du groupe pop Miranda !, Juliana Gattas. L’alchimie qui les réunit contribue pour une bonne part au charme indicible de cette comédie narquoise et pince-sans-rire qui aurait pu tout aussi bien s’intituler La tragédie d’un homme pathétique.
Jean-Philippe Guerand
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