Film français de Grégory Magne (2024), avec Valérie Donzelli, Frédéric Pierrot, Mathieu Spinosi, Emma Ravier, Daniel Garlitsky, Marie Vialle, Valentin Pradier, Nicolas Bridet, François Ettori… 1h42. Sortie le 7 mai 2025.
Valérie Donzelli
Le jour où elle réussit à réunir quatre Stradiviarus en les confiant à autant de virtuoses, Astrid est en passe de réaliser le rêve inachevé de son mélomane de père. Mais le plus dur reste à faire : canaliser ces personnalités et dompter ces egos au fil des répétitions supervisées par le compositeur de la partition inédite du quatuor à cordes qui doit être interprétée à l’occasion d’une représentation unique à tous les sens du terme. Le point de départ du troisième film de Grégory Magne est des plus classiques, ses développements pas toujours conformes à ce qu’on pouvait en attendre. Rien de tel que les répétitions d’un concert, d’un spectacle ou de toute autre création artistique pour mettre à rude épreuve des individualités accoutumées à briller par elles-mêmes et sans concurrence. La noblesse de l’art apparaît ici moins essentielle que le tout-à-l’ego qui gouverne ces instrumentistes bouffis d’orgueil et soucieux de tirer leur épingle de ce qui ressemble à un jeu de dupes. Un aréopage qui réunit de fortes personnalités que leur statut n’a jamais incité à partager avec d’autres instrumentistes et a conditionné à se comporter en véritables divas. Il fallait pour porter ce projet un musicien familier de ces deux mondes à part que représentent la musique de film et de concert. Tel est le cas de Grégoire Hetzel, partenaire de prédilection de Catherine Corsini et Arnaud Desplechin qui remplit à merveille ce cahier des charges.
La construction de ce genre de films est à peu près inéluctable. Elle s’ordonne en trois actes : recrutement des protagonistes, répétitions et représentation proprement dite. Les musiciens transgresse habilement ce modèle avec une audace relative, tout en développant la deuxième partie au détriment des autres, mais sans déséquilibrer ce jeu de construction. C’est même ce qui contribue à la fraîcheur de l’ensemble dont l’argument se situe quelque part entre Répétition d’orchestre (1978) de Federico Fellini et Concert (2009) de Radu Mihaileanu, cacophonie et message politique en moins. Grégory Magne a ainsi pris le parti de recruter pour interprètes des personnalités rompues à la fois à la musique et à la comédie. Une double compétence qui rend immédiatement crédibles leurs personnages à l’écran sous les traits de Marie Vialle, Emma Ravier, Mathieu Spinosi et Daniel Garlitsky. Des visages peu ou pas connus qui ajoutent une indéniable valeur ajoutée à leurs personnages, tout en maîtrisant avec l’expérience requise leur art d’instrumentistes. C’est à travers cette harmonie que le film trouve son équilibre en apportant un réalisme accru au microcosme qu’il décrit dont on ne cherche à aucun moment à remettre en question l’authenticité. Et même si le film s’astreint à une facture plutôt conventionnelle sans aspirer à la tentation d’une virtuosité factice, ce qu’il montre est toujours plus important que les moyens qu’il mobilise pour y parvenir. Avec toujours en ligne de mire une valeur intangible au service du spectacle : l’efficacité. Quitte à nous offrir un dénouement pour le moins inattendu qui vient rompre le classicisme ambiant. Mais c’est sans doute là en dire déjà un peu trop…
Jean-Philippe Guerand
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