Film britannique de Rebecca Lenkiewicz (2025), avec Emma Mackey, Vicky Krieps, Fiona Shaw, Vincent Perez, Patsy Ferran, Yann Gael, Korina Gougouli, Yorgos Tsiantoulas, Vasilis Tsigristaris, (voix) Nicole Cyrille… 1h32. Sortie le 28 mai 2025.
Emma Mackey
Sous le soleil d’Almeria où ont été tournés tant de westerns-spaghetti, une jeune femme accompagne sa mère handicapée mais castratrice afin d’y consulter un médecin à la réputation flatteuse. Simultanément, elle noue des liens avec une femme qui la fascine par sa liberté. Mais en prenant de l’assurance au contact de cette maîtresse affranchie, elle commence à s’émanciper de la domination maternelle… Hot Milk est l’adaptation d’un roman de l’écrivaine hype Deborah Levy (Éditions du sous-sol, 2024) paru initialement en 2016 et confié par une productrice à la scénariste Rebecca Lenkiewicz qui a obtenu d’en être également la réalisatrice. Le caractère féministe de cette histoire proposait en effet des thèmes qu’elle a eu l’occasion de développer à travers sa contribution à des films tels qu’Ida (2013) de Pawel Pawlikowski, Colette (2018) de Wash Westmoreland ou She Said (2022) de Maria Schrader. Elle réunit à cet effet trois comédiennes de haute volée : Emma Mackey, révélée dans Eiffel, Vicky Krieps, jamais autant à son aise que quand elle incarne celle par qui le scandale arrive, et Fiona Shaw en tyran domestique. Le film orchestre le rapport de force triangulaire de ces femmes qui réduisent leurs partenaires masculins à la portion congrue pour mieux asseoir leur domination. La mise en scène joue habilement du contraste entre un décor solaire de carte postale et la noirceur des rapports psychologiques.
Au centre de cette toile d’araignée figure une femme écartelée par ses sentiments contradictoires qui s’efforce d’échapper à la tutelle de sa mère en succombant au charme vénéneux d’une créature qui porte sa liberté en bandoulière. Une situation a priori sans issue qui s’appuie sur un système de domination perverse que Rebecca Lenkiewicz règle comme une petite danse de mort en veillant au plus infime détail. Elle applique à cette étude de caractères ce fameux “Female Gaze” qui a si longtemps fait défaut au cinéma en imposant un regard masculin unilatéral. Un parti radical qui sert le propos de Deborah Levy et va de pair avec un traitement accessoire des personnages masculins, à commencer par le médecin réduit à la portion congrue qu’incarne Vincent Perez en assumant son statut de séducteur archétypal avec un sens du ridicule achevé. Dès lors, Hot Milk orchestre la libération d’une femme sous influence soumise à sa mère qui passe par sa dérive assumée vers une aventure sentimentale homosexuelle dans un geste de sororité ultime et déterminant dicté par son innocence. Avec pour guide une femme dont la liberté devient son modèle après une trop longue dépendance affective. Un sujet ô combien délicat qui va bien au-delà des apparences en assumant ses partis-pris esthétiques et psychologiques où les gestes et les regards comptent souvent plus que les mots.
Jean-Philippe Guerand
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