Documentaire américano-italo-irlandais d’Andrew Dominik (2025), avec Bono, Gemma Doherty, Kate Ellis, Jacknife Lee… 1h27. Mise en ligne sur Apple TV+ le 30 mai 2025.
Bono
Un homme seul sur une scène déroule le fil de sa vie, de la mort de sa mère quand il était encore enfant au fait que son père n’ait plus jamais prononcé le nom de la chère disparue depuis lors. Un deuil cruel et prématuré qui a contribué à forger la volonté et la détermination de Paul David Hewson, plus connu sous son nom de scène de Bono, guitariste et chanteur du groupe U2. Le film que lui consacre aujourd’hui Andrew Dominick s’appuie sur de larges extraits de la résidence au cours de laquelle le chanteur a donné en avril 2023 au Beacon Theatre un one-man-show basé sur ses mémoires et ponctué d’une quarantaine de chansons d’U2. Le bateleur s’y dévoile avec autant de sincérité que de générosité, tout en évoquant les grands moments de sa vie et de sa carrière marquée par un engagement constant pour des causes humanitaires et sociales fondamentales. Le réalisateur esthète et formaliste de Blonde, Andrew Dominik, applique à cette confession publique son cachet visuel, au premier plan duquel un sublime noir et blanc ciselé par le chef opérateur Erik Messerschmidt que sa contribution avec David Fincher a rendu célèbre, notamment grâce à Mank (2020) pour lequel il a obtenu un Oscar. Il applique ici sa maîtrise du clair-obscur à un dispositif scénique par ailleurs réduit à sa plus simple expression dans lequel Bono et ses complices évoluent dans un décor spartiate constitué de quelques chaises habillées de lumière.
Bono : Stories of Surrender est une invitation au rêve solidement ancrée dans la réalité d’un homme aussi célèbre pour ses prises de position et son engagement que pour sa discrétion médiatique. Un gourou malgré lui qui s’assume en tant que tel (voir ses jeux de scène et son rapport au public), mais ne parle jamais pour ne rien dire. De sa gloire, il ne tire pas la moindre vanité personnelle. En revanche, il a toujours su la mettre au service de ses convictions et notamment de son Irlande natale dont il reste l’un des plus vibrants ambassadeurs. Il égrène ici les étapes qui ont conduit U2 au-delà des étoiles, à travers quatorze albums studio entre 1980 et 2017, ainsi que les chansons réenregistrées en 2023 sous le titre “Songs of Surrender” qui sous-tendent sa confession. Bono ponctue ainsi son récit d’extraits de ces standards qu’il réinterprète, accompagné des musiciennes Gemma Doherty et Kate Ellis, en lieu et place de ses partenaires habituels, The Edge, Adam Clayton et Larry Mullen Jr., quant à eux uniquement présents à travers ses propos. C’est d’ailleurs l’une des forces de ce spectacle de jouer de son pouvoir de suggestion, sans avoir besoin de recourir à des archives ni à des extraits de concerts. Qu’il s’agisse des étapes déterminantes qu’ont représenté les albums du groupe ou de son implication dans le Live Aid de son compatriote irlandais Bob Geldof, ses morceaux de bravoure nourrissent le scénario palpitant de cette confession publique susurrée face à un vaste public qui s’achève en couleur sous un dome italien. Les fans apprécieront. Les autres succomberont sans doute au charme insidieux de cette invitation au voyage portée par une noblesse d’âme admirable et altruiste.
Jean-Philippe Guerand
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