Film italo-français de Piero Messina (2024), avec Gael García Bernal, Renate Reinsve, Bérénice Bejo, Olivia Williams, Philip Rosch, Pal Aron, Tim Daish, Laura Anzani, Amina Ben Ismail, Anne Kidd, Michael Maggi… 1h58. Sortie le 28 mai 2025.
Un homme hanté par le souvenir de sa compagne morte dans un accident fait appel aux services de la société Another End qui propose une méthode révolutionnaire consistant à insérer l’âme des défunts dans une autre enveloppe corporelle pour lui assurer une permanence éternelle. De ce point de départ ambitieux, le réalisateur italien Piero Messina dont c’est le quatrième long métrage tire un parti qui joue davantage sur la force des sentiments que sur la science-fiction traditionnelle. Dès lors, il faut adhérer sans réserve à son postulat audacieux pour goûter ses développements rocambolesques. L’amour plus fort que la mort : le thème éternel du combat éternel d’Eros et Thanatos donne lieu ici à un traitement dramatique et même romantique qui repose pour une bonne part sur la personnalité de ses interprètes recrutés parmi la fine fleur de la scène internationale. Another End s’inscrit par son atmosphère dans la veine d’un cinéma contemporain qui applique à l’humain de prétendues avancées technologiques, tel qu’ont pu l’illustrer des réalisateurs comme Julia Ducournau dans Titane ou David Cronenberg dans Les linceuls avec une fascination morbide pour le progrès et ses applications les plus délirantes. À ceci près que Piero Messina évacue les artifices de la cybernétique au profit d’une approche délibérément tournée vers l’humain qui l’incite à rester constamment à la hauteur de ses protagonistes devenus les otages consentants d’un système oppressant qui fait commerce des sentiments avec un rare cynisme, sans se soucier des ravages collatéraux éventuels et inéluctables.
Il émane d’Another End une profonde mélancolie qui doit beaucoup à la personnalité de ses interprètes principaux, à commencer par Gael García Bernal et Renate Reinsve, deux comédiens peu rompus à ce type d’univers qui incarnent la puissance de l’amour dans le contexte d’une société déshumanisée. Le mythe de la passion éternelle se décline ici sur un registre décalé avec à la clé un constat somme toute amer défendu par des acteurs inspirés. Les intentions du film sont clairement définies. Reste à adhérer à son postulat alambiqué qui repose sur notre croyance en l’existence même de l’âme et sa capacité éventuelle à être transplantée. Mieux vaut donc éviter de se poser trop de questions et passer sur les incohérences qu’implique son sujet pour goûter au plaisir simple de ce qui apparaît avant tout comme une grande histoire d’amour. Difficile de résister à l’air de chien battu du toujours convaincant Gael García Bernal, confronté pour l’occasion à une sorte d’éternel féminin qu’incarne avec son goût du risque et de l’excès l’actrice norvégienne Renate Reinsve, ici de fait dans un double rôle pour le moins acrobatique. On en retiendra une ambition peu commune dans un cinéma européen qui semble avoir laissé ce terrain en friche aux Anglo-Saxons et aux Asiatiques depuis des lustres, en raison de son inclination naturelle pour la psychologie. Humain, trop humain ?
Jean-Philippe Guerand
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