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“Rapide” de Morgan S. Dalibert



Film français de Morgan S. Dalibert (2025), avec Paola Locatelli, Alban Lenoir, Anne Marivin, Rik Kieve, Mathilde La Musse, Tchéky Karyo, Cristiano Guerreiro… 1h38. Sortie le 16 avril 2025.



Rik Kieve et Paola Locatelli



Tous les films ne sont pas destinés à être critiqués, étudiés, analysés, décortiqués. Certains se contentent d’être livrés en pâture au grand public qui leur ménage ensuite le traitement qu’ils méritent… ou pas. Rapide appartient de toute évidence à cette catégorie et mise davantage sur ses atouts naturels et une solide campagne marketing pour atteindre sa cible : visiblement un public jeune, adepte de vitesse, de glamour et de jeux vidéo. Comme son titre l’indique, Rapide traite du culte de la vitesse qui conditionne les pilotes automobiles à prendre des risques plus calculés qu’insensés pour satisfaire leur ivresse. Les films consacrés à la course automobile ont bizarrement essuyé des échecs répétés qui ont longtemps incité les producteurs à se méfier de ce piège dans lesquels sont tombés successivement des films comme Ligne rouge 7000 (1965) d’Howard Hawks, Grand Prix (1966) de John Frankenheimer et Le Mans (1971) de Lee H. Katzin et John Sturges, malgré des moyens confortables et des stars internationales. Il aura fallu le succès de Rush (2013) de Ron Howard puis de Le Mans ‘66 (2019) de James Mangold pour que cette malédiction soit conjurée. Avec entre-temps deux franchises lucratives qui ont intégré les enseignements des jeux vidéo dont “Need For Speed” en assumant les enseignements du film culte La course à la mort de l’an 2000 (1975) : Fast & Furious et Cars. Le cinéma français ne s’est quant à lui guère frotté aux circuits qu’avec une adaptation ratée de la bande dessinée Michel Vaillant (2003) produite par Luc Besson. Fort des enseignements de ces déconvenues, Rapide décline le concept au féminin avec un sens éprouvé de l’efficacité qui ne s’embarrasse d’aucune fioriture.



Anne Marivin et Paola Locatelli



Droit au but ! Tel pourrait être le slogan du premier film de Morgan S. Dalibert qui s’appuie sur des bases éprouvées. La féminisation d’un milieu longtemps considéré comme l’apanage du sexe dit fort, en raison de ses montées d’adrénaline et de son haut degré de testostérone, est en marche, même si le film insiste sur ses préjugés et son sexisme. Le scénario est en outre un modèle du genre par son habileté à slalomer autour des poncifs et à s’appuyer pour cela sur une galerie de personnages soigneusement identifiés. Le rôle principal est tenu par Paola Locatelli, influenceuse depuis l’âge de 12 ans qui coche toutes les cases par son parcours impressionnant et une assurance sans faille. Le reste du casting répond à la même efficacité. Il mêle le nouvel homme fort du cinéma d’action révélé naguère par Diastème, Alban Lenoir dans un contre-emploi savoureux de renard du bitume à qui on ne la fait pas, Tchéky Karyo en vieux sage impénétrable, Anne Marivin en maman complice et un jeune premier dans le rôle du bon camarade, en tout bien tout honneur. Le scénario auquel ont collaboré le réalisateur David Moreau et le producteur Clément Miserez est mis en scène par un pur technicien, le chef opérateur Morgan S. Dalibert qui avait remporté un succès mémorable sur Netflix avec AKA. Le résultat est un modèle d’efficacité qui ne donne à aucun moment l’impression de mépriser du spectateur, gage d’un succès probablement assuré, avec à la clé la mise sur orbite de sa charismatique vedette féminine qui a déjà démontré son expertise précoce dans l’art délicat de gérer et de diversifier une carrière. Bref, voilà une affaire qui… roule.

Jean-Philippe Guerand



Alban Lenoir et Tchéky Karyo

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