Film belgo-français de César Díaz (2024), avec Bérénice Bejo, Matheo Labbe, Leonardo Ortizgris, Julieta Egurrola… 1h33. Sortie le 23 avril 2025.
Bérénice Bejo
Une militante politique guatémaltèque en exil au Mexique se voit rattrapée par son passé et confrontée à un choix qui va décider de son avenir et menacer la chair de sa chair : son fils de 10 ans. L’action de ce film se déroule en 1988 dans une Amérique centrale en ébullition où la CIA a essayé d’imposer la mainmise des États-Unis, mais a fini par lâcher certains territoires trop coriaces tandis que d’autres ont pris la relève. Le réalisateur César Díaz évoque dans son deuxième film après Nuestras madres (2019) le combat de sa propre mère pendant la guerre civile qui a déchiré son pays en proie à une dictature. Il refuse toutefois l’appellation d’“autofiction”, tant il a pris de libertés avec la réalité. Il était lui-même âgé de 3 ans lorsqu’elle a choisi de quitter son pays pour le protéger et de le confier à sa grand-mère afin de pouvoir se consacrer à ses activités politiques depuis cette base arrière. Le récit qu’en fait aujourd’hui le cinéaste est teinté d’une certaine amertume face à une utopie qui ne s’est jamais réalisée mais a engendré maints dégâts collatéraux au sein des familles impliquées, parfois même en provoquant leur implosion. Il est question ici d’illusions perdues et d’un vain combat. En adoptant le point de vue du petit garçon qu’il a été, le réalisateur confère une singulière puissance accrue à son propos qui traite du prix à payer pour aller au bout de ses convictions, quitte à tout sacrifier et à ouvrir des plaies qui mettront parfois une vie à cicatriser tant elles sont profondes.
Julieta Egurrola et Bérénice Bejo
L’engagement que décrit César Díaz est déjà d’une certaine façon caduc. Il incarne l’apogée de cette parenthèse post-soixante-huitarde qui va grosso modo de l’exécution de Che Guevara en Bolivie à la chute de Salvador Allende au Chili, à travers un personnage féminin pétri de convictions incompatibles avec une vie traditionnelle d’épouse et surtout de mère. Un rôle que le réalisateur a eu l’excellente idée de confier à Bérénice Bejo dont il exploite habilement les origines après l’avoir vue arborer un autre visage dans Le passé d’Asghar Farhadi pour lequel elle a décroché le prix d’interprétation au Festival de Cannes 2013 et son premier film argentin, La quietud (2018) de Pablo Trapero. Elle aborde cet emploi avec tout son acquis de comédienne et sur un registre dramatique qu’on ne lui avait guère proposé jusqu’à ce jour, mais dont elle s’approprie les automatismes comme une seconde nature, en conviant plus ou moins consciemment les spectres de ses origines auxquels sa famille ne l’a que peu confrontée afin de faciliter son intégration, mais vers lesquels elle a fini par revenir d’elle-même pour donner un passé à ses propres enfants. Avec en guise de fil rouge une retenue beaucoup plus efficace qu’aurait pu l’être la tentation du pathos, en risquant tout simplement de détourner le film de son propos initial et de le tirer vers le mélo. Mexico 86 lui offre l’un de ses plus beaux défis sans jamais rien souligner.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire