On Swift Horses Film américain de Daniel Minahan (2024), avec Daisy Edgar-Jones, Jacob Elordi, Will Poulter, Diego Calva, Sasha Calle, Don Swayze… 1h59. Sortie le 30 avril 2025.
Au lendemain de la guerre de Corée, deux frères se retrouvent en Californie, au moment où le cadet se met en ménage avec une jeune femme. De ce point de départ, on pouvait escompter une affaire de duo à trois qui n’apparaît en fin de compte que comme un leurre. L’intérêt du film réside dans la dualité de ses protagonistes, aucun ne réussissant vraiment à vivre l’existence dont il avait rêvé dans un grand écart moral entre le Kansas traditionaliste et ce lieu de perdition qu’est Las Vegas. Sous son titre passe-partout, Les indomptés reproduit soigneusement le glamour du cinéma hollywoodien des années 50, tout en s’attachant à montrer une autre réalité derrière les apparences. Avec en son cœur un couple guidé par un idéal conventionnel dont l’épouse mène une sorte de vie parallèle en pariant sur les courses de chevaux et en s’aventurant dans une liaison extra-conjugale homosexuelle sur fond de puritanisme ambiant. Le film s’inspire du roman de Shannon Pufahl “Et nous nous enfuirons sur des chevaux ardents” (Albin Michel, 2022) dont le titre ronflant rendait sans doute mieux compte de la liberté de ses protagonistes. Il dépeint la face cachée d’une Amérique puritaine qui affleure en pointillés de certains films de Douglas Sirk ou d’Elia Kazan et met en scène des personnages auxquels la société assigne des rôles stéréotypés en les condamnant à assouvir leurs fantasmes les plus inavouables dans une clandestinité paradoxalement assez partagée, l’important étant de ne surtout pas se faire remarquer de la bonne société afin de respecter l’antienne “ pour vivre heureux, vivons cachés ”.
Will Poulter et Daisy Edgar-Jones
La réussite des Indomptés repose pour une bonne part sur la justesse de son casting qui associe la classe naturelle de Daisy Edgar-Jones (Là où chantent les écrevisses) au charme vintage de celui qui fut l’interprète d’Elvis Presley jeune dans Priscilla de Sofia Coppola, Jacob Elordi. Bien que le film suive leurs personnages pour l’essentiel séparément, il en exploite à merveille les caractéristiques et ce point commun qui les incite à aller au bout de leur désir, avec tous les risques qu’implique une telle décision en milieu hostile. Il convient de louer ici le soin apporté au moindre détail artistique, des décors aux costumes, en passant par les coiffures et le maquillage. La reconstitution est superbe et fait souvent passer des détails que d’autres auraient sans doute cherché à exprimer à travers les dialogues. Connu pour sa contribution à d’innombrables séries télévisées, le réalisateur Daniel Minahan décrit avec beaucoup de subtilité un conformisme ambiant qui accepte de cohabiter avec les interdits en vigueur, du moment qu’ils restent cachés aux yeux de tous. À l’image de ces établissements où se retrouvent les homosexuels sans être inquiétés, de ces champs de courses où des pactoles changent de main et de ces tripots dont les vigiles surveillent les joueurs à travers des miroirs sans tain. Un véritable monde parallèle se déploie sous nos yeux dans ce film au classicisme revendiqué, à travers une grande justesse psychologique qui s’exprime parfois dans des détails. Comme quand Daisy Edgar-Jones se coiffe à la garçonne pour juger de l’effet provoqué dans un miroir, avant de laisser retomber ses cheveux. On a parfois l’impression enivrante de voir un film des années 50 qui aurait fait fi de tous les interdits du Code Hays alors en vigueur.
Jean-Philippe Guerand
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