Film français de Mourad Winter (2024), avec Hakim Jemili, Laura Felpin, Benjamin Tranié, Abdulah Sissoko, Alassane Diong, Steve Tientcheu, François Damiens, Saïda Jawad, Abbes Zahmani, Isabelle Malin, Clotilde Courau… 1h38. Sortie le 23 avril 2025.
Laura Felpin, Hakim Jemili
Saïda Jawad et Benjamin Tranié
La comédie sentimentale est un genre balisé à l’extrême qui suscite souvent des engouements démesurés à partir des composantes les plus élémentaires qui soient. Avec en prime une capacité à séduire un vaste public pour qui les passions n’ont pas de frontières. Le cinéma français n’est pas en reste quand il s’agit d’investir ce créneau, même si les échecs l’emportent largement sur les réussites. Peut-être parce que l’âge des protagonistes se trouve rarement en adéquation avec celui des spectateurs de cinéma, qu’ils soient plus jeunes ou plus vieux. Derrière son titre ironique et faussement désabusé, L’amour c’est surcoté met en scène deux éclopés de l’amour qui ressemblent moins à des “célibattants” qu’à des “célibattus” d’avance, tant ils paraissent avoir tiré un trait définitif sur leur vie amoureuse, faute d’avoir à se plier à ce cahier des charges qui consiste à séduire, quitte bien souvent à mentir sur la marchandise, avant de subir les conséquences de ce subterfuge. L’humoriste Mourad Winter, qui adapte ici son propre livre (Robert Laffont, 2021), a la bonne idée de s’en remettre pour cela à deux natures pour le moins décalées qui savent jouer à merveille de leurs défauts et excellent à s’en servir comme une sorte d’armure à toute épreuve pour repousser les importuns. Lui, c’est Hakim Jemili, aux antipodes de son emploi récent dans Le routard et du registre burlesque dans lequel il excelle, en musulmant pratiquant qui n’en peut plus de porter le deuil de son meilleur ami et de zoner avec des minables, qui plus est homophobes et antisémites, dont le très étonnant Benjamin Tranié. Elle, c’est Laura Felpin qui creuse un sillon singulier en assumant parfois ses points faibles sur le registre de “The Girl Next Door”. Or, c’est précisément par leurs menus défauts que vont se séduire mutuellement ces trentenaires que tous leurs couples d’amis invitent sans même plus escompter qu’ils finissent par rencontrer l’âme sœur, faute d’avoir trop longtemps tenté de jouer les entremetteurs en leur présentant d’autres individus de leur espèce.
Saïda Jawad et Hakim Jemili
Dans L’amour c’est surcoté, le coup de foudre apparaît comme un poison à mèche lente, tant ses protagonistes ont appris à s’en méfier et n’y croient plus depuis belle lurette. On a beau avoir compris dès le début qu’il va se passer quelque chose entre eux, c’est le retard qu’ils ont par rapport aux spectateurs qui donne tout son sel à leur parcours du combattant amoureux. Comme si le fait d’admettre leurs sentiments risquait de gâcher ce qui ressemble à une amitié solide bâtie sur une quantité suspecte d’affinités. Il est rare de voir un film entier reposer sur un postulat aussi mince. Or, c’est parce qu’ils se laissent peu à peu submerger par des sentiments auxquels ils feignaient d’être hermétiques que ces célibataires aussi méfiants qu’échaudés par leurs blessures affectives passées vont transiter par la case “copains” pour assumer leurs responsabilités et fendre l’armure malgré eux. La réticence de ces deux personnages est en fait le reflet d’un phénomène de société critique qui se traduit sociologiquement par une baisse des mariages et un recul des naissances. Conséquence d’une peur de s’engager et peut-être aussi d’un repli sur soi qui reflètent aussi une montée de l’individualisme et peut-être aussi une forme d’égoïsme. Mourad Winter exploite à merveille cette situation sans jamais accabler ses personnages. Et même si l’on ne doute à aucun moment qu’ils vieilliront ensemble, l’habileté du scénario consiste à accumuler les obstacles en jouant de leurs maladresses. Et là, c’est le charme atypique de Laura Felpin et Hakim Jemili qui fait toute la différence par leur façon de brouiller les codes amoureux à l’ère des réseaux sociaux. Ne surtout pas se laisser rebuter par l’affiche hideuse et sa typographie ringarde. La finesse de cette romance valait mieux.
Jean-Philippe Guerand
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