In the Land of Brothers Film irano-franco-hollandais de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi (2024), avec Hamideh Jafari, Bashir Nikzad, Mohammad Hosseini, Marjan Khaleghi, Hajeer Moradi… 1h35. Sortie le 2 avril 2025.
Le cinéma iranien est l’un des plus riches de la planète, avec cette particularité qu’il doit autant aux réalisateurs qui tournent dans leur pays, souvent en déjouant la censure, qu’aux membres épars de sa diaspora. Il n’en est pas de même du cinéma afghan réduit quasiment à néant sous les assauts des occupants successifs qui convoitent ses champs de pavot depuis plus d’un demi-siècle et ont abouti à la dictature des Talibans et à un retour au Moyen-Âge en matière de mœurs. Ni d’un côté ni de l’autre de cette frontière, on n’a en revanche évoqué la vie des immigrés et notamment le traitement funeste réservé aux réfugiés afghans par leurs “frères” iraniens. Tel est le propos du premier long métrage de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi qui se déroule pendant le premier quart du XXIe siècle et débute au moment de l’invasion américaine. Ce projet a d’ailleurs incité ses réalisateurs à quitter l’Iran pour ne pas avoir à soumettre leur scénario à la censure locale et devoir rendre des comptes au régime des Mollahs. Il traite de la résilience à travers l’unité d’une famille en exil qui va se serrer les coudes pour affronter les déracinements successifs provoqués par des enjeux géopolitiques dont ils sont les victimes collatérales. Avec en filigrane le sort de ces deux pays frontaliers pris en otage par des régimes autoritaires et obscurantistes, mais nullement alliés pour autant.
Marjan Khaleghi
Auréolé du prestigieux prix de la mise en scène au festival de Sundance, Au pays de nos frères suit trois générations d’une même famille qui lutte pour sa survie en passant d’un pays à l’autre sans réussir à se faire intégrer. Un statut inconfortable qui passe ici par une unité et ne solidarité à toute épreuve. Le discours du film déborde d’ailleurs largement des seuls rapports irano-afghans pour englober celui de tous ces migrants qui sillonnent la planète en quête de paix et de sérénité. En prenant eux-mêmes la décision de quitter l’Iran pour pouvoir traiter leur sujet en toute liberté, les réalisateurs ont en quelque sorte mis leurs pas dans ceux de leurs personnages et préservé l’unité de leur projet avec la précieuse complicité de leur chef opérateur expérimenté, Farshad Mohammadi, qui en a assuré la cohérence esthétique, notamment en s’attachant à magnifier la splendeur des paysages et des saisons. Les réalisateurs eux-mêmes apprécient quant à eux en connaisseurs l’usage du hors-champ que le spectre de la censure leur a appris à maîtrise avec une grande habileté. Avec au cœur de cette saga délicate et souvent poignante ce thème récurrent de l’altérité qui constitue le remède le plus efficace au déracinement et peut en fait se décliner sous toutes les latitudes, comme en témoignent régulièrement le cinéma qui y puise son inspiration de plus en plus régulièrement. Comme une fenêtre ouverte sur un monde en fusion qui contraint ses populations à une sorte de transhumance interminable marquée par un fort tropisme du Sud vers le Nord.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire