Vermiglio Film italo-franco-belge de Maura Delpero (2024), avec Giuseppe de Domenico, Martina Scrinzi, Tommaso Ragno, Roberta Rovelli, Carlotta Gamba, Orietta Notari, Santiago Fondevilla Sancet, Rachele Potrich, Anna Thaler, Patrick Gardner, Enrico Panizza, Sara Serraiocco… 1h59. Sortie le 19 mars 2025.
Sara Serraiocco
Pendant l’hiver 1944, dans un village montagnard isolé du Nord de l’Italie, l’arrivée d’un soldat bouleverse la famille de l’instituteur dont il séduit la fille aînée. Jusqu’au moment où ce séduisant inconnu se voit rattrapé par son passé et part rejoindre les siens dans une vallée lointane. Remarquée pour son premier long métrage de fiction, Maternal (2020), la réalisatrice italienne Maura Delpero se positionne comme une héritière de ses illustres aînés que furent Roberto Rossellini et Ermanno Olmi par son attachement aux traditions et à une certaine permanence des sentiments. Sur un thème de pur mélodrame, elle dresse le portrait de groupe d’une communauté rurale repliée sur elle-même qui semble vivre à l’écart du bruit et de la fureur du monde, en l’occurrence la Seconde Guerre mondiale qui s’achève et a provoqué une volte-face spectaculaire et douloureuse de l’Italie. Dès lors, le débarquement d’un inconnu au beau milieu de ce lieu où le temps semble s’être arrêté résonne comme un choc des cultures sinon une véritable révolution des mœurs. Une confrontation d’autant plus symbolique qu’elle est autant culturelle que géographique et souligne les paradoxes criants d’un pays encore fracturé où le progrès n’est pas toujours partagé par la population et où la civilisation progresse encore à des rythmes différents.
Sara Serraiocco
C’est tout l’intérêt de cette étude de caractères extrêmement subtile qui repose sur une observation attentive de ses protagonistes que d’orchestrer un authentique choc des cultures à travers la confrontation de deux univers. La réalisatrice observe pour cela leur interaction et les dommages irrémédiables engendrés par cette irruption soudaine d’un prince charmant venu d’ailleurs qui va sonner malgré lui le glas de l’innocence. Documentariste à ses débuts, la cinéaste observe les remous provoqués par cette histoire pas si simple que ça en s’attachant au moindre détail et en montrant comment ses protagonistes perdent progressivement une partie de l’innocence qui les a toujours protégés jusqu’alors des assauts extérieurs. Un changement de paradigme qui passe par un éloge de la pureté, mais évite la mièvrerie parfois inhérente à un tel parti pris. Maura Delpero applique au féminisme sous-jacent qui ne dit pas encore son nom un traitement dépourvu d’anachronisme, tout en reprenant à son compte l’attachement du cinéma transalpin à la ruralité. Sous sa sérénité trompeuse, Vermiglio ou La mariée des montagnes est en fait le conte cruel d’un microcosme candide qui ne semble pas encore posséder les atouts suffisants pour affronter ce monde désenchanté où le romantisme fait figure de piège. Une histoire simple racontée sans esbroufe que sa réalisatrice définit joliment comme “ un paysage de l’âme ”.
Jean-Philippe Guerand
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