Snow White Film américain de Marc Webb (2025), avec Rachel Zegler, Gal Gadot, Anna Kendrick, Andrew Burnap, Ansu Kabia, Lorena Andrea, Emilia Faucher, Adrian Bower, Colin Michael Carmichael, (voix) Jeremy Swift, Tituss Burgess, Andrew Barth Feldman, Martin Klebba, Patrick Page, Jason Kravits… 1h49. Sortie le 19 mars 2025.
Rachel Zegler (au centre)
Ainsi donc la boucle est bouclée. Walt Disney avait révolutionné le cinéma en signant le premier long métrage d’animation avec Blanche Neige et les sept nains, en 1937. Ses héritiers déclinent aujourd’hui cette merveille en version live dans la lignée de ceux qu’ils ont entrepris il y a trente ans pour donner un coup de jeune à leur catalogue en attirant un nouveau public, en renouvelant leurs copyrights et en générant des droits dérivés. Par le passé, cette opération de lifting a produit des résultats pour le moins divers dont on retiendra un pur chef d’œuvre, Dumbo de Tim Burton, et beaucoup d’errements, qu’il s’agisse du wokisme appliqué à La petite sirène ou de la surenchère technologique infligée au Roi lion. Reste que certains titres sont porteurs d’une véritable valeur patrimoniale ajoutée qui implique respect et précaution. La difficulté de l’exercice consiste à rester fidèle à l’esprit originel, tout en s’adaptant à notre époque. Les bruits les plus fous ont entouré cette nouvelle version de Blanche Neige : la princesse serait typée et les nains seraient purement et simplement escamotés pour ne pas porter atteinte aux personnes de petite taille face vis-à-vis desquels les producteurs de la série Game of Thrones n’ont pas pris autant de précautions en leur temps pas si lointain. Toutes ces rumeurs étaient fausses. Le résultat est à l’image de la robe de Blanche Neige : chatoyant mais conventionnel jusqu’à la niaiserie. La première princesse Disney méritait mieux que les minauderies de la révélation de West Side Story version Steven Spielberg, Rachel Zegler, même si elle va jusqu’à se vêtir en chaperon rouge en signe de rébellion. Quant aux nains finalement confectionnés en images de synthèse pour contourner la polémique, non seulement Grincheux ressemble à Gérard Lanvin qui aurait abusé de l'hydromel, mais ils travaillent dans une sorte de cité industrielle souterraine anachronique en empruntant des montagnes russes qui ressemblent à la fameuse attraction du train de la mine des parcs Disneyland…
La Blanche Neige de Marc Webb (réputé pour ces deux volets de la franchise The Amazing Spider-Man) ressemble à un chromo exécuté avec un mimétisme sidérant d’après les dessins du film original. Cette version s’en remet toutefois abondamment aux parties chantées toujours utiles quand il s’agit de générer des recettes additionnelles. Le problème, c’est qu’à trop essayer de reproduire l’esthétique du dessin animé, le kitsch se révèle tapi en embuscade, phénomène récurrent qui a récemment atteint ses limites avec le mauvais goût et le clinquant ostentatoire de Wicked, cette baudruche monstrueuse du Magicien d’Oz. Avec en guise de contre-poison flamboyant cette comédie musicale subversive qu’était Joker : Folie à deux, véritable célébration de l’âge d’or en forme de chant du cygne. Ici, tout est à la fois trop ressemblant et trop différent, qu’il s’agisse des deux célèbres rengaines chantées par les nains, “Siffler en travaillant” et “Heigh-Ho” qui ont été remises au goût du jour et dont le rythme a bizarrement été modifié. Beaucoup plus grave, ces composantes fondamentales que constituent la scène de la pomme empoisonnée et surtout le personnage maléfique de la reine (malgré une arrivée tonitruante de Gal Gadot) sont évacuées ici comme de simples formalités et passablement édulcorés. Comme si les Studios Disney craignaient que les enfants ne prennent peur. On sait pourtant depuis le livre du psychothérapeute Bruno Bettelheim “Psychanalyse des contes de fées” (Robert Laffont, 1976) combien ce sentiment est salubre pour évacuer des psychoses parce que “ tout conte de fées est un miroir magique qui reflète certains aspects de notre univers intérieur et des démarches qu'exige notre passage de l’immaturité à la maturité ”. C’est dire combien on est loin du compte… et du conte. Résultat, cette Blanche Neige trop propre sur elle en arrive à ressembler à la visite d’un parc Disneyland.
Jean-Philippe Guerand
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