Film belge de Harpo et Lenny Guit (2024), avec Maria Cavalier-Bazan, Axel Perin, Michael Zindel, Catherine Ringer, Melvil Poupaud, Claire Bodson, Gwladys Lefeuvre, Sophie Sénécaut, Tom Adjibi, Habib Ben Tanfous… 1h26. Sortie le 26 mars 2025.
Axel Perin, Maria Cavalier-Bazan et Melvil Poupaud
Le cinéma raffole des losers. Les perdants magnifiques semblent paradoxalement plus propices à l’imagination que les héros traditionnels, sans doute trop nombreux sur les écrans pour conserver leur caractère exceptionnel. Ne serait-ce que parce que ce sont les gagnants qui dirigent le monde et que, comme l’affirme une maxime empreinte de sagesse, l’histoire est écrite par les vainqueurs. Outre un patronyme difficile à porter qui résonne comme une déclaration d’intentions, Armande Pigeon est une zonarde professionnelle que son instinct ne risque pas d’attirer vers les sommets, dans la mesure où elle possède un tempérament de joueuse et manifeste un goût prononcé pour le risque. Le seul hasard qui l’effraie est en fait celui d’une rencontre qui risquerait de l’obliger à se livrer sur le plan sentimental. Alors elle fréquente des gens qui lui ressemblent et ne menacent pas de l’inciter à sortir de sa zone de confort où elle se sent si à son aise. Immersion cocasse dans un milieu underground peuplé de personnages fantasques et décalés qui se trouvent pour la plupart à l’extrême limite de la normalité et séduisent par leur anticonformisme à toute épreuve.
Comme le souligne justement son titre ironique, Aimer perdre est le portrait d’une fille attachante qui ne fait rien comme tout le monde et semble se satisfaire de sa situation pourtant bien peu reluisante. Après un premier film aux airs de blague de sales gosses, Fils de plouc (2021), les frères Harpo et Lenny Guit qui revendiquent l’influence croisée des documentaires d’Agnès Varda et de l’émission de reportages “Strip-tease” ont d’ailleurs impliqué leur interprète principale dans le processus d’écriture et œuvré pour donner au résultat final l’allure d’un brouillon hybride composé de séquences volées sous le signe de la confusion des genres. Une esthétique faussement relâchée qui reprend certains codes en usage sur les réseaux sociaux et a été obtenu notamment grâce à l’usage des téléphones portables les plus rudimentaires. Le résultat est une comédie disruptive transcendée par une interprète époustouflante, Maria Cavalier-Bazan, constamment en décalage par rapport aux situations qu’elle traverse, face à des partenaires souvent étonnants, à commencer par l’impayable Michael Zindel révélé dans le rôle principal du Dernier des Juifs de Noé Debré, la chanteuse des Rita Mitsouko, Catherine Ringer et Melvil Poupaud dans un contre-emploi savoureux. Rien n’est vraiment d’équerre dans ce monde fou, fou, fou et c’est même pourquoi l’on succombe à son charme.
Jean-Philippe Guerand
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