Film américain de Scott Derrickson (2025), avec Miles Teller, Anya Taylor-Joy, Sigourney Weaver, Sope Dirisu, William Houston, Samantha Coughlan, Alessandro Garcia, Greta Hansen, József Tálos, Adam Scott-Rowley, Kobna Holdbrook-Smith, James Marlowe, Julianna Kurokawa, Ruta Gedmintas, Sachin Bhatt… 2h07. Mise en ligne sur Apple TV+ le 14 février 2025.
Miles Teller et Anya Taylor-Joy
Un homme et une femme sont chargés de monter la garde des deux côtés d’un ravin abyssal d’où ils parviennent à échanger des messages en instaurant une communication qui passe d’abord par l’écrit. Peu à peu s’établit une étrange complicité entre ces deux inconnus chargés de repousser des créatures jaillies des entrailles de la terre dont leur hiérarchie les a prévenus que leur libération entraînerait une apocalypse irrémédiable. Le postulat de départ de The Gorge en vaut bien d’autres. Il repose en outre sur le peu d’informations qu’on possède concernant ses protagonistes, sinon que lui travaille pour une officine dépendant de l’armée américaine et qu’elle est originaire d’un pays de l’Est. Aucune précision, en revanche, sur le théâtre mystérieux de ces opérations ni sur la véritable menace qu’ils sont chargés de repousser sinon qu’elle provient des entrailles de la terre. Cette belle mécanique s’enraye toutefois dès lors que ces tourtereaux virtuels parviennent à mettre au point un stratagème à haut risque pour passer d’une rive à l’autre. Tout l’intérêt de ce film spectaculaire réside dans la conjonction de ses points d’interrogation et le parti qu’en tire Scott Derrickson, petit maître moderne du suspense qui a fait ses preuves avec des exercices de style tels que Sinister (2012) ou Black Phone (2021). Ce virtuose qui connaît ses classiques s’en remet ici au couple glamour que forment Miles Teller et Anya Taylor-Joy, avec une référence appuyée à la saga Alien à travers la présence de la grande Sigourney Weaver. Le tout sur un scénario ciselé par l’auteur surdoué de The Tomorrow War qui sait y faire pour entretenir le suspense.
Anya Taylor-Joy
The Gorge ne s’embarrasse pas d’explications alambiquées et se garde de chercher à tout justifier. Ses deux protagonistes sont livrés clés en mains comme des êtres solitaires qui assument leur isolement et ont des démons à exorciser. Reste dès lors à la mise en scène à résoudre une équation plutôt ardue en leur permettant de se rapprocher, alors que c’est théoriquement impossible en raison de cette gorge profonde qui les sépare comme une sorte d’antichambre de l’enfer d’où surgissent les menaces les plus inattendues à l’assaut de parois minées. Dès lors, le film emprunte un itinéraire bis lorsque le scénario s’attache à développer un rapprochement prohibé entre ces veilleurs solitaires contraints d’échanger des mots doux par écrit, en raison de la distance qui les sépare, avant de développer une relation amoureuse pour le moins précaire. Le passage de la théorie à la pratique est aussi surprenant que ses développements ultérieurs. C’est même ce qui sauve ce film spectaculaire de la banalité en conférant à ses protagonistes un supplément d’âme dont se moquent le plus souvent les scénaristes confrontés à de telles situations. Quand le monde est sur le point de basculer dans l’inconnu, les destins individuels deviennent pour le moins accessoires. Pas ici et c’est même le point fort de cette entreprise hors normes dans laquelle des personnalités vulnérables menées à l’abattoir pour servir des intérêts qui leur échappent décident de s’unir pour combattre cette adversité, sous prétexte de sauver ni plus ni moins que notre planète. Le résultat se révèle à la démesure de cette ambition et tient plutôt allègrement la distance.
Jean-Philippe Guerand
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