“Strip tease intégral” de Jean Libon, Clémentine Bisiaux, Régine Dubois, Stéphanie de Smedt, Mathilde Blanc et Yves Hinant
Documentaire franco-belge de Jean Libon, Clémentine Bisiaux, Régine Dubois, Stéphanie de Smedt, Mathilde Blanc et Yves Hinant (2024) 1h30. Sortie le 12 février 2025.
L’émission télévisée “Strip tease” imaginée par les Belges Marco Lamensch et Jean Libon a exposé de 1985 à 2012 à une heure de grande écoute sur la RTBF puis France 3 ce que ni les actualités ni les magazines traditionnels ne montraient jamais : le dessous des choses. Chaque reportage qui y était diffusé était le fruit d’un travail de longue haleine, parfois d’une enquête fouillée. Le temps en constituait la vertu cardinale, en partant du principe que la vérité se mérite et qu’elle est souvent l’aboutissement d’un processus méthodique qui consiste à entrer dans l’intimité des sujets afin de favoriser leur spontanéité et surtout d’aller au-delà des simples apparences. C’est en partant de ce principe qui a fait ses preuves sous l’égide d’une équipe de journalistes intrépides que Jean Libon, Yves Hinant et leurs émules donnent aujourd’hui un second souffle à ce concept éprouvé, en passant du petit au grand écran. Il y a deux ans, Poulet frites organisait les rushes d’une longue enquête policière pour relater une affaire tortueuse du point de vue d’une bande de flics tout droit sortis d’un film de Jean-Pierre Mocky. Rien de tel dans Strip tease intégral qui propose des sujets inédits en miroir avec notre société, cette fois sur des durées plus ramassées qui proposent une vision kaléidoscopique du monde où chacun trouvera sans doute à satisfaire ses fantasmes et se complaira à reconnaître son voisin, mais en aucun cas sa propre personne.
Comme tous les films à sketches, Strip -tease intégral se révèle par principe plutôt inégal par son mélange des genres et ses ruptures de ton. Ne serait-ce que par la variété des différents sujets qui jouent avec ce que nous sommes, ou pas. On y découvre en outre ce qu’on ne voit jamais, sinon exceptionnellement. À commencer par ces influenceuses réfugiées sous le soleil de Dubaï qui prospèrent en colportant leur vie quotidienne sur les réseaux sociaux et en viennent à n’agir plus qu’en fonction des attentes supposées de leur cercle d’abonnés et de leur propre narcissisme, filmant tout dans les moindres détails et sous les angles les plus flatteurs, y compris des opérations de chirurgie esthétique pratiquées par des médecins peu scrupuleux de l’éthique et de la déontologie qui se satisfont de cette promotion gratuite a priori incompatible avec le serment d’Hippocrate qu’ils ont prêté sous d’autres latitudes. Changement de ton radical avec cette incursion au festival d’Avignon vu à travers un couple en immersion sur la scène off où la femme se produit devant quelques spectateurs de bonne composition, tandis que son mari tient la caisse et règle la technique. Figurent également au programme un portrait de famille à l’heure de l’écologie, une cohabitation avec un hypocondriaque narcissique, une réflexion sur le poids de l’inné et de l’acquis lorsque survient la maladie et une autopsie filmée de façon clinique (et intitulée… Bidoche) qui donnera sans doute des nausées aux âmes les plus sensibles. Ces cinq morceaux de vie donnent en tout cas autant à voir qu’à réfléchir.
Jean-Philippe Guerand
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