Film franco-belge de Carine Tardieu (2024), avec Valeria Bruni Tedeschi, Pio Marmaï, Vimala Pons, Raphaël Quenard, César Botti, Catherine Mouchet, Marie-Christine Barrault, Mélissa Barbaud, Florence Muller, Éric Verdin, Lise Gervais, Nikita Faulon, Laurence Huby, Ike Ortiz, Carine Tardieu, Christine Defay, Sissi Duparc, Erwan Maillot, Izia Le Goff… 1h45. Sortie le 19 février 2025.
Pio Marmaï et César Botti
La singularité du cinquième film de Carine Tardieu consiste à adopter le point de vue d’un personnage dont le quotidien vibre au diapason de ses voisins immédiats, un couple dont la femme enceinte de son deuxième enfant va payer de sa vie celle de leur fille. Dès lors, cette adaptation de “L’intimité” d’Alice Ferney (Actes Sud, 2020), romancière dont Trần Anh Hùng avait déjà porté à l’écran “L'élégance des veuves” sous le titre Éternité (2016) s’attache à la résilience de ce papa poule contraint d’élever seul deux enfants dont l’aîné est celui d’un autre homme. Avec en contrepoint la complicité qui s’instaure entre le petit garçon de la défunte et la libraire féministe qui habite sur le même palier et se prend au jeu de cette maternité par procuration en assumant ce statut ingrat de consolatrice tout en essayant tant bien que mal de protéger son jardin secret. Un rôle de témoin où excelle comme jamais Valeria Bruni Tedeschi, par la position singulière qu’occupe son personnage dans un grand écart permanent entre drôlerie, émotion et pudeur. Nul doute que ce personnage compte d’ores et déjà parmi ceux qui marqueront à jamais sa carrière de comédienne. Elle a avoué que le seul fait de porter des lunettes en permanence pour la première fois de sa carrière avait modifié son regard, face au partenaire le plus redoutable quoi soit : un petit garçon qui a réponse à tout et beaucoup de questions à poser, mais aussi sa petite sœur dont la croissance scande le film, à l’image de ces toises qu’on dessine au crayon sur un mur afin de mesurer la taille de ses enfants voir de les comparer. Il émane des moindres détails de cette chronique une force de vie qui emporte tout sur son passage et nous renvoie toutes et tous à ce que nous avons été, sommes ou serons : des enfants, des parents, des grands-parents ou ces fameuses pièces rapportées sans lesquelles bien des familles seraient bancales.
Valeria Bruni Tedeschi
L’attachement jette un regard original sur les nouveaux rapports amoureux et tisse des relations toujours d’une incroyable justesse entre ses protagonistes. Cette étude de mœurs accorde en outre une importance particulière aux personnages secondaires en prenant systématiquement le temps de leur donner une véritable chair. Pio Marmaï fédère ainsi autour de lui une grand-mère toute en retenue campée par Catherine Mouchet et une autre moins impliquée qu’incarne Marie-Christine Barrault, une promesse d’avenir personnifiée par Vimala Pons, mais aussi un père volage interprété par le toujours surprenant Raphaël Quenard. Comme si Carine Tardieu reprenait à son compte l’héritage de Claude Sautet par sa capacité à réussir les scènes de groupe sans jamais perdre de vue aucun de ses personnages. La réalisatrice signe ainsi son film le plus abouti et dresse un portrait impressionniste de notre époque d’intense confusion, à l’aune des nouveaux désordres amoureux, des familles recomposées, sans pathos ni mélodrame, mais avec un souci constant de témoigner de l’air du temps qui donne envie de retrouver ces protagonistes dans quelques années pour savoir ce qu’ils seront devenus. À commencer évidemment par ces deux enfants si représentatifs de notre époque par leur capacité à absorber les aléas de la vie et parfois l’inconstance de leurs aînés censés les accompagner vers l’âge adulte, mais eux-mêmes souvent immatures. Rarement un film a aussi joliment justifié son titre que celui-ci.
Jean-Philippe Guerand
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