Film français de Julie Manoukian (2024), avec Émilie Caen, Vincent Elbaz, Tracy Gotoas, Gaspard Meier-Chaurand, Stéphane Debac, Georges Corraface, Myriam Boyer… 1h21. Sortie le 12 février 2025.
Émilie Caen et Vincent Elbaz
Le cinéma a ceci de magique qu’il suscite les avis les plus divers et offre parfois des occasions inattendues d’aimer ou de détester un film, quel que puisse être son ambition, son propos ou l’accueil qui lui est réservé par le public, une donnée que ne peuvent prendre en compte les critiques chargés d’écrire avant même la sortie, dans le but non avoué d’influer sur son accueil par les spectateurs. Le cinéma d’auteur semble voué à être analysé et décortiqué à grands renforts de mots savants, là où les œuvres à consommation immédiate ne sont que rarement soumises à un traitement aussi noble, sous prétexte qu’elles n’ont pas été conçues à cet effet, mais plus modestement dans le but de distraire les spectateurs en quête d’évasion. Il existe évidemment des exceptions qui sont là pour confirmer la règle, comme le veut l’usage et le soutient la sagesse populaire. Récemment, le troisième film réalisé par Franck Dubosc, Un ours dans le Jura, a surpris son monde, à commencer par son auteur, par le traitement déférent qu’il a suscité dans les colonnes des publications les plus nobles. C’est oublier là combien la nature profonde du septième art a dérivé au fil de son histoire. Les grandes œuvres du patrimoine ont souvent été aussi des réussites commerciales répondant à la formule magique des pionniers hollywoodiens : “ That’s Entertainment ! ” (c’est du spectacle… ou de la distraction). Tout cela pour dire que certaines œuvres échappent aux critères traditionnels dont fait usage la critique avec une sagacité et un savoir à géométrie variable, parfois en s’enivrant de sa prétendue expertise en la matière. Combien de journalistes ou de spectateurs connaissent vraiment les dessous du cinéma, ont déjà assisté à un tournage ou sont familiers du long processus technologique et économique qui aboutit à la production de n’importe quel film ? Tout cela pour dire qu’aucun d’entre eux n’est entrepris sans l’espoir de susciter un écho positif. Sinon cela équivaudrait à un suicide commercial. Reste que tous ne sont pas à égalité. Loin de là…
Émilie Caen et Tracy Gotoas
Long préambule destiné à expliquer pourquoi les films ne naissent pas tous égaux. Le deuxième long métrage de Julie Manoukian après Les vétos (2019) illustre à merveille ces considérations en s’inscrivant délibérément dans son époque. Haut les mains ! choisit le registre de la légèreté pour s’attacher à un groupe d’activistes écolo-féministes qui œuvre dans la clandestinité afin de mener à bien son combat contre les dysfonctionnements les plus criants de la société contemporaine en s’en prenant à la fois aux pollueurs et aux harceleurs, des cibles qui se confondent parfois. Jusqu’au moment où ces Green Panthères intégrées dans la société civile doivent faire appel aux services d’un monte-en-l’air qui excelle dans l’art d’ouvrir les coffres-forts les plus rétifs, mais n’aspire qu’au profit. Point de départ prometteur pour un propos actuel qui respecte le cahier des charges de la comédie de cambriolage. L’affaire est prestement menée et la réalisatrice énonce quelques considérations bien senties par la bouche de ses interprètes féminines, sans céder pour autant à l’ivresse du wokisme mal tempéré. Le casting plutôt habile a en outre la bonne idée d’opposer au monte-en-l’air dépourvu d’états d’âme que campe Vincent Elbaz l’idéalisme de ses commanditaires et notamment de leur leadeuse charismatique qu’incarne une comédienne qui fait vraiment toute la différence : Émilie Caen, éternel second rôle croisé dans d’innombrables comédies populaires, d‘Intouchables à Ducobu en passant par Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, mais pour une fois en tête d’affiche dans un rôle tout en finesse qu’elle parvient à tenir à distance des clichés par son sens de la nuance. Cette alerte quinquagénaire (tranche d’âge beaucoup trop peu représentée à l’écran sinon par quelques stars) est la meilleure raison de découvrir cette comédie avec un p’tit truc en plus qui a le mérite d’assumer sa modestie, tout en serinant un propos essentiel… au cas où son urgence aurait encore échappé à certains. Ça va toujours mieux en le disant.
Jean-Philippe Guerand
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