Accéder au contenu principal

“À bicyclette !” de Mathias Mlekuz



Documentaire français de Mathias Mlekuz, avec Mathias Mlekuz, Philippe Rebbot, Josef Mlekuz, Adriane Gradziel, Marziyeh Rezaei, Laurent Jouault… 1h29 Sortie le 26 février 2025.



Mathias Mlekuz et Philippe Rebbot



Un père décide de traverser l’Europe à vélo en compagnie de son meilleur ami, en empruntant l’itinéraire parcouru par son fils disparu dont ils doivent retrouver la compagne iranienne en Turquie pour un ultime adieu en forme de pèlerinage festif et joyeux. Un travail de deuil poignant mais aussi souvent désopilant qui s’appuie pour une bonne part sur la complicité chaleureuse de Mathias Mlekuz et de Philippe Rebbot, amis dans la vie comme à l’écran, qui bousculent les codes du cinéma du réel dans ce Road Movie dont ils sont tout à la fois les interprètes et les auteurs. Au point qu’ils ont l’air au moins aussi surpris que nous par ce qui leur arrive au cours de ce périple. Avec cette idée fixe qu’ils semblent poursuivre : la vie est plus importante que la mort, même si les défunts doivent occuper une place de choix dans notre mémoire. La disparition d’un fils est toujours une injustice pour ses aînés. Pas question toutefois pour Mathias Mlekuz de tout arrêter et de se replier sur lui-même. L’universalité de son film est façonnée par les sentiments qui s’y expriment et une spontanéité savamment entretenue qui contredit parfois les bonnes intentions exprimées dans la scène d’ouverture, lorsque les deux amis annoncent leur départ imminent à leur cercle rapproché en s’interdisant de céder à l’émotion. Des larmes couleront pourtant malgré eux, plus tard, et elles n’auront rien d’artificiel. À l’image de ce film qui jaillit spontanément à partir d’un argument propice.



Philippe Rebbot et Mathias Mlekuz



Signe qui ne trompe pas, À bicyclette ! a accumulé un nombre considérable de prix du public dans les nombreux festivals où il a été proposé. Un phénomène d’autant plus significatif qu’il a parfois été présenté comme une fiction et d’autres sous le label documentaire. Chaque scène ou presque entretient cette confusion à travers ce qu’elle exprime, sans jamais chercher à fabriquer des émotions, à les exhiber sans pudeur et à prendre le spectateur à témoin de ce qui se joue sur le plan le plus intime. Sinon peut-être lors de l’arrivée des cyclistes à leur destination finale et leurs retrouvailles avec deux autres protagonistes dont l’intrusion brise dans une moindre mesure le charme ineffable de cette randonnée mémorielle dont nous sommes devenus malgré nous les complices invisibles. Démonstration de sa réussite qui consiste à outrepasser les normes classiques du cinéma du réel en jouant sur la personnalité, l’humanité et surtout la complicité naturelle de ses protagonistes qui s’expriment dans le film tel qu’ils parlent au naturel et jalonnent ce pèlerinage souriant de leur spontanéité. Au point que quand défile le générique de fin sur des photos de leur retour vers la France à travers des lieux différents du voyage aller, on se prend à espérer que les bonus du futur DVD nous permettront d’en découvrir certaines séquences dans leur intégralité. Rarement un film sur l’amitié a intégré à un tel point les spectateurs dans sa démarche. Il est plus que recommandable.

Jean-Philippe Guerand






Mathias Mlekuz et Philippe Rebbot

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract...