A Complete Unknown Film américain de James Mangold (2024), avec Timothée Chalamet, Edward Norton, Elle Fanning, Monica Barbaro, Boyd Holbrook, Dan Fogler, Norbert Leo Butz, Nick Offerman, P. J. Byrne, Scoot McNairy, Will Harrison, Charlie Tahan, Eli Brown, Nick Pupo, Laura Kariuki, Eric Berryman, David Alan Basche… 2h20. Sortie le 29 janvier 2025.
Elle Fanning et Timothée Chalamet
Le nouveau film de James Mangold débute peu ou prou au même moment qu’Inside Llewyn Davis (2013) des frères Coen : dans le New York de 1961 où débarque un jeune homme, sa guitare en bandoulière. Ce garçon timide et ombrageux baigné de country et de rock’n’roll qui se présente sous le nom de Bob Dylan se rend directement à l’hôpital où est interné son idole, le chanteur Woody Guthrie, une situation déjà immortalisée peu après les faits dans Alice’s Restaurant (1969) d’Arthur Penn. C’est à son chevet qu’il rencontre un autre pionnier de la musique folk, Pete Seeger. Chaperonné par ce dernier qui a immédiatement détecté en lui un compositeur exceptionnel, il se produit dans les clubs de Greenwich Village et bâtit peu à peu sa propre légende, en osmose avec Joan Baez déjà reconnue, mais éprouve quelques difficultés à assumer la rançon du succès. Un parfait inconnu se concentre sur les débuts du seul musicien couronné du Prix Nobel de littérature, en décrivant avec soin l’Amérique paranoïaque de la Guerre Froide dont les bardes résistent à la virtuosité des groupes anglais et à l’hégémonie du rock’n’roll à travers des textes engagés qui parent de poésie leur militantisme et engendreront les hymnes de la révolution soixante-huitarde en perpétuant la fameuse tradition de l’Americana héritée des premiers pionniers. Au point de consacrer la chanson “Song for Woody” à son idole dès son premier album, en 1962. Simultanément, sa vie affective reflète autant d’inconstance que de fidélité, les deux femmes de ses débuts tenant des rôles différents à ses côtés, comme le montre assez justement le film qui oppose à la blonde Elle Fanning la brune Monica Barbaro. Avec cette zone d’ombre dans laquelle ne se hasarde jamais le film : sa jeunesse dans le Minnesota.
Edward Norton et Timothée Chalamet
Le scénariste Jay Cocks, régulièrement associé à Martin Scorsese, trouve un équilibre parfait qui met en miroir le chanteur avec son époque. Jusqu’à ce moment critique où il électrifie sa guitare, au risque de passer pour un traître parmi les aficionados du festival folk de Newport. Timothée Chalamet endosse avec une certaine grâce la personnalité complexe de Bob Dylan par son mélange abrasif de charme et sa mine renfrognée. Vingt ans après Walk the Line, James Mangold ressuscite par ailleurs Johnny Cash, dont il confie cette fois le rôle à l’excellent Boyd Holbrook, sans doute plus proche de son modèle que n’a pu l’être Joaquin Phoenix. Ces quatre années dans la vie d’un géant qui a déjà inspiré plusieurs biopics dont le génial I’m Not There (2007) de Todd Haynes où son rôle était incarné par six interprètes différents dont Cate Blanchett, histoire de matérialiser son caractère insaisissable. Un parfait inconnu affiche une ambition plus modeste en immortalisant le chanteur en jeune homme toujours en avance sur son époque, mais attaché aux racines musicales de l’Amérique à travers son admiration inconditionnelle pour Woody Guthrie, le pionnier des beatniks qu’il ne rencontre qu’alors qu’il est enfermé en lui-même par la maladie de Huntington qui l’emportera et ne peut l’adouber qu’en l’écoutant gratter les cordes de sa guitare. Il n’y a donc que de bonnes raisons de découvrir ce biopic bourré de panache qui nous remet en tête des rengaines irrésistibles en trouvant en permanence la juste distance par rapport à son sujet. Reste à savoir ce qu’en penserait le chanteur qui s’était lui-même essayé au cinéma avec le mythique Renaldo and Clara (1978).
Jean-Philippe Guerand
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