Film français de Maxime Caperan (2024), avec Kacey Mottet Klein, Félix Maritaud, Olivia Côte, Bonnie Duvauchelle, Guillaume Verdier, Frédéric Saurel… 1h25. Sortie le 29 janvier 2025.
Félix Maritaud et Kacey Mottet Klein
Le polar fut dans les années 60 un banc d’essai incontournable pour bon nombre de jeunes réalisateurs soucieux de faire leurs preuves en terrain familier, dans le sillage de la Nouvelle Vague, de ses fameux tournages en décors naturels et de sa vénération pour certains auteurs de la Série Noire. Bien que le genre ait migré massivement vers le petit écran, entre téléfilms et séries, il continue à inspirer certains débutants qui perçoivent dans ses intrigues parfois minimalistes matière à en tirer un profit psychologique sinon sociologique. Un monde violent s’inscrit dans ce créneau par son argument et la modestie de ses moyens. Deux frères magasiniers braquent un chargement de smartphones destiné à leur entrepôt. Mais la situation s’envenime singulièrement lorsque le conducteur du poids-lourd les contraint à commettre l’irréparable. Point de départ à un cas de conscience qui mine la solidarité des petits malfrats confrontés à des responsabilités qui dépassent leurs ambitions minables. Maxime Caperan ne cherche jamais à jouer au plus malin. Il s’appuie sur ce fait divers rien moins que banal pour en explorer les conséquences en dépeignant des zonards de province qui se retrouvent confrontés à leur absence d’idéal. De responsables ils deviennent otages de leurs actes et en viennent à incarner une génération désabusée qui agit sans réfléchir en confondant fiction et réalité, sans doute sous l’effet de trop de jeux vidéo, de chaînes info sensationnalistes, de réseaux sociaux gorgés de fake news et de violence banalisée. Une confusion mentale qui affleure de leurs conversations et surtout d’un refus d’assumer leurs responsabilités. Au point d’en arriver à perdre de vue la réalité et ses principes les plus élémentaires au profit de l’instinct de survie le plus basique.
Bonnie Duvauchelle
Derrière son titre d’une banalité assumée qui résonne en écho à plein d’autres, quelque part entre Un monde sans pitié et Une vie violente, Un monde violent se révèle sans la moindre pitié pour ses protagonistes décrits comme des délinquants entraînés dans une spirale infernale par bêtise pure, faute d’avoir prémédité l’imprévu et mesuré toutes les conséquences de leurs actes. Le réalisateur s’en remet dès lors au contraste saisissant de ces deux frangins de cinéma qu’incarnent le toujours étrange Kacey Mottet Klein et le non moins inquiétant Félix Maritaud découvert dans Sauvage, l’un et l’autre à fleur de peau, mais sans l’exprimer de la même façon. Aussi différents puissent-ils paraître, leurs liens du sang s’imposent naturellement, avec cette nuance fondamentale que représente leur différence d’âge donc leurs attentes par rapport à un avenir pour le moins incertain dans un espace dénué d’espoir et d’illusions. Le film prend ainsi le pouls d’une jeunesse qui s’accroche à des leurres dérisoires sinon minables. Avec aussi deux personnages féminins solidement ancrés dans une ruralité qui n’inspire que très rarement le cinéma, sinon pour évoquer une campagne qui crève en silence dans un monde hostile : une mère et sa fille solidement cramponnés à leur terre que campent Olivia Côte et la prometteuse Bonnie Duvauchelle. Au-delà de son prétexte dramatique réduit à sa plus simple expression, le premier long métrage de Maxime Caperan apparaît comme un exercice de style riche en promesses.
Jean-Philippe Guerand
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