Accéder au contenu principal

“Retour en Alexandrie” de Tamer Ruggli



Back to Alexandria Film helvéto-franco-égyptien de Tamer Ruggli (2023), avec Nadine Labaki, Fanny Ardant, Eva Monti, Menha Batraoui, Enaam Salousa, Hasan El-Adl, Laila Ezz El Arab, Hazem Ehab, Manuela Biedermann, Hani Adel, Karima Mansour, Salwa Othman, Laurent Deshusses, Chady Abu-Nijmeh… 1h30. Sortie le 22 janvier 2025.



Fanny Ardant et Nadine Labaki



Rien de tel qu’un Road Movie pour orchestrer des confrontations fertiles en effets spectaculaires et en moments à haute tension. Retour en Alexandrie repose sur l’alchimie qui s’établit entre deux actrices en verve, la Libanaise Nadine Labaki et la Française Fanny Ardant, au cours d’un périple en voiture qui entraîne à travers l’Égypte cette fille névrosée et sa mère excentrique pour des retrouvailles hautes en couleurs d’où vont émerger des douleurs et des ressentiments trop longtemps enfouis et ruminés. Comme de bien entendu, au fil de ce huis clos à ciel ouvert, l’essentiel va émerger peu à peu du superficiel et lui donner l’allure d’un jeu de la vérité aussi tendre que cruel. Tamer Ruggli associe un scénario riveté par des dialogues plutôt enlevés à deux comédiennes visiblement ravies par ce ping-pong verbal conçu pour les mettre en valeur avec un lyrisme assumé. On a beau les connaître, jamais on ne doute de leurs relations familiales et de ce rapport de domination qui les a longtemps liées avant de les séparer sur un malentendu tenace. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur les souvenirs de sa propre mère que le cinéaste se livre à ce travail de deuil poignant mais jamais complaisant.



Nadine Labaki et Fanny Ardant



Pour son premier long métrage, le réalisateur suisse Tamer Ruggli a décidé de broder à partir d’une figure imposée en confrontant pour cela deux véritables divas du cinéma entre lesquelles l’alchimie fonctionne parfaitement. Le personnage fantasque qu’incarne Fanny Ardant lui a été inspiré par sa grand-mère maternelle, une aristocrate égyptienne qui jalousait la beauté de sa propre fille et lui a infligé sévices et vexations. En mettant en scène leurs retrouvailles imaginaires, le cinéaste exploite le potentiel de ses deux interprètes en s’appuyant en priorité sur la vérité des mots qu’elles échangent. Il envisage surtout cette longue conversation comme le prétexte à une réconciliation impossible dans un décor de carte postale intemporelle et surtout l’affranchissement de la fille par rapport à sa mère qui va lui permettre de voler enfin de ses propres ailes. Le tout dans le cadre photogénique d’une Égypte chromo en diable à bord d’une grosse cylindrée américaine… rose. Retour en Alexandrie baigne d’une poésie empreinte de nostalgie les illusions perdues de ces deux femmes en route vers les vestiges d’un passé douloureux qui les a faites ce qu’elles sont devenues : des rescapées pétries de contradictions qui les ont longtemps empêchées d’assumer seules leur propre vie.

Jean-Philippe Guerand






Nadine Labaki et Eva Monti

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract...