Film français de Robert Guédiguian (2024), avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Grégoire Leprince-Ringuet, Marilou Aussilloux, Lola Naymark, Robinson Stévenin, Thorvald Sondergaard, Jacques Boudet… 1h41. Sortie le 29 janvier 2025.
Ariane Ascaride et Jean-Pierre Darroussin
Chaque film de Robert Guédiguian est un véritable miracle qui réunit peu ou prou les mêmes interprètes. Des membres d’une famille de cinéma qu’il a composée au fil du temps et prend un malin plaisir à distribuer dans des rôles différents, en misant sur leur complicité, mais en s’interdisant d’en jouer. Il s’interdit par ailleurs de refaire indéfiniment le même film et prend soin de raconter des histoires qui s’articulent sous forme de cycles. On pourrait ainsi classer La pie voleuse parmi les comédies de ce cinéaste qui aime partager le plaisir qu’il éprouve à raconter des histoires et à confier à ses interprètes des emplois toujours différents. Avec pour épicentre sa muse de toujours, Ariane Ascaride qui incarne cette fois une auxiliaire de vie en proie à l’inconséquence de son mari (Gérard Meylan) qui va céder à un moment d’égarement, au risque de renoncer aux valeurs qui lui sont les plus chères en trahissant la confiance des personnes vulnérables dont elle est devenue le rayon de soleil quotidien. On retrouve dans l’esprit de cette chronique la fascination du réalisateur pour Victor Hugo qu’il a notamment exprimée dans Les neiges du Kilimandjaro (2011), son précédent opus tourné à l’Estaque, ce quartier pittoresque qu’il résume en une formule lapidaire : “Misère avec vue.” Un film choral qui se référait à un poème de “La légende des siècles”, “Les pauvres gens”, dont le titre pourrait convenir à plusieurs des œuvres de cet humaniste compréhensif qui a choisi son camp depuis toujours : celui des obscurs et des sans-grade.
Le personnage campé par Ariane Ascaride est une femme qui a choisi un métier de service, en venant en aide aux personnes âgées, bien qu’elle éprouve elle-même des difficultés à boucler ses fins de mois et sombre dans l’illégalité pour remédier à l’inconséquence de son mari, sans nuire vraiment à ses victimes qui sont aussi ses clients et ses employeurs. Mais le film dépasse son seul cas pour s’attacher à son entourage. Et c’est là où Robert Guédiguian démontre sa virtuosité narrative et son goût pour tout ce qui touche à l’humain. À commencer par ses failles et ses faiblesses auxquelles il va jusqu’à compatir, sans jamais céder à la tentation du manichéisme. Il s’attache ainsi à un père en fauteuil roulant campé par Jean-Pierre Darroussin dont le fils (Grégoire Leprince-Ringuet) est chaviré par sa rencontre avec une jeune femme elle aussi en couple qu’incarne une nouvelle venue dans la troupe Guédiguian, la solaire Marilou Aussilloux. Au moment même où le film marque simultanément ses adieux à l’un de ses acteurs fétiches, le regretté Jacques Boudet. C’est parce qu’il refuse de trancher entre drame et comédie que le réalisateur confère à cette confusion des genres un charme et une vérité qui ressemblent à la vie et à ses aléas. Tout part ici d’un casse commis par des bras cassés qui déclenchent une fuite où disparaît un chèque de caution dont la perte va entraîner des conséquences en cascade. C’est en s’accrochant à ce point de départ en forme de grain de sable que le réalisateur et son coscénariste Serge Valletti, avec lequel il collabore pour la quatrième fois, vont parvenir à broder une étude de mœurs d’une rare élégance et à accorder tous les droits à leurs protagonistes. À commencer par celui de rêver le monde peut-être plus beau qu’il n’est dans la réalité. À l’image de cette aide-ménagère qui aime écouter Arthur Rubinstein et déguster des huîtres dans son jardin secret. Ainsi va le petit monde de Robert Guédiguian…
Jean-Philippe Guerand
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