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“Dans la tête de Godard et Beauregard” de Hind R. Boukli

Jean-Luc Godard sur le tournage d’À bout de souffle



Documentaire français de Hind R. Boukli (2024), avec (voix) Fanny Ardant, Jérôme Albrecht, Jérôme Paquatte… 1h06. Mise en ligne sur Canal+ le 2 janvier 2025.



Jean-Luc Godard et Georges de Beauregard



Judicieuse initiative que de s’attacher aux relations de Jean-Luc Godard avec le producteur Georges de Beauregard, à travers les écrits de sa veuve, Bella. D’À bout de souffle (1960) à son faux remake en vidéo, Numéro deux (1975), ce film qui s’apparente davantage à un diaporama par son association d’images fixes, de musique et de voix évoque cette collaboration passionnante qui a engendré certaines des œuvres les plus marquantes de la Nouvelle Vague. Pas question d’analyse, mais plutôt d’une approche historique voire économique qui fascine par la façon dont elle décrit comment se sont montés certains films souvent en association avec le soutien du producteur italien Carlo Ponti, parfois même avec la collaboration de son puissant compatriote Dino de Laurentis. Sur le plan formel, le film est raconté par la voix de Fanny Ardant, ironiquement l’ultime compagne de François Truffaut, devenu au fil du temps le meilleur ennemi de Godard. C’est par ailleurs Jérôme Paquatte qui prononce les mots de Georges de Beauregard avec dans le rôle du cinéaste… une intervention de l’intelligence artificielle qui reproduit ses intonations traînantes à s’y méprendre. Un mimétisme troublant mais parfaitement assumé. On voit ainsi sortir de l’ombre un grand seigneur du cinéma couronné pour l’ensemble de son œuvre par un César d’honneur en 1984, quelques mois seulement avant sa disparition prématurée à l’âge de 63 ans.



Brigitte Bardot et Jean-Luc Godard

sur le tournage du Mépris



De sa contribution avortée au commentaire du documentaire de Pierre Schoendoerffer et Jacques Dupont La passe du diable (1958) qui scellera une association fructueuse d’un quart de siècle entre Jean-Luc Godard et Georges de Beauregard à travers neuf longs métrages. Une complicité relatée par l’épouse du producteur qui en révèle les dessous créatifs en levant le voile sur la gestation des films, de la censure du Petit soldat à l’association de bienfaiteurs encouragée par les Américains entre l’enfant terrible de la Nouvelle Vague et la plus grande star internationale française de l’époque, Brigitte Bardot, avec la figure imposée de la scène du bain tournée en studio dans laquelle elle demande à Michel Piccoli ce qu’il pense des diverses parties de son corps, en suivant un menu libellé par Godard à la craie sur une ardoise à la manière d’un patron de bistrot annonçant le menu du jour. Ce documentaire a le mérite d’éclairer cette époque sous un jour inédit en rendant justice à un homme d’argent qui s’est caractérisé par son flair et avait le chic pour annoncer des projets restés pour certains à l’état d’annonces publicitaires tonitruantes dans les pages du magazine corporatif “Le Film Français”, à une époque où de simples affiches pouvaient permettre de monter des projets en attirant l’attention des investisseurs en quête de coups fumants. Ce qui n’était pas pour déplaire non plus à ce diable de Godard.

Jean-Philippe Guerand






Brigitte Bardot et Jean-Luc Godard

sur le tournage du Mépris

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