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“Better Man” de Michael Gracey



Film britannique de Michael Gracey (2024), avec Robbie Williams, Jonno Davies, Steve Pemberton, Alison Steadman, Kate Mulvany, Frazer Hadfield, Damon Herriman, Raechelle Banno, Tom Budge, Jake Simmance, Anthony Hayes, Jesse Hyde, Karina Banno, Ben Hall, Rose Flanagan, John Waters… 2h15. Sortie le 22 janvier 2025.



Robbie Williams



Le biopic est un art ingrat qui consiste à retracer tout ou partie de la vie d’une célébrité généralement disparue en s’efforçant de la glorifier et en sacrifiant au denier du culte. Face à la recrudescence de ce qui est devenu un genre à part entière, il convient de varier les angles et si possible d’innover, avec cet obstacle naturel que représentent les héritiers et autres ayant-droits accrochés à une perspective de royalties supplémentaires. Better Man constitue une exception notoire à bien des égards. Sa figure de proue est le chanteur Robbie Williams qui apparaît à l’écran dans son propre rôle, mais aussi sous les traits d’un singe campé par Jonno Davies, dans un souci de distanciation simiesque sinon brechtienne. La structure proprement dite du film est quant à elle traditionnelle. On y suit ce gamin anglais de milieu très modeste, de son intégration au boys band Take That à sa carrière solo, en passant par des incidents de parcours sulfureux associés parfois à des substances délétères qui l’envoient dans le décor avant de connaître le plus improbable des retours en grâce pour se prouver qu’il est digne de son succès. Une destinée au fond assez commune que le réalisateur australien Michael Gracey, pressenti pour signer un autre biopic musical, celui d’Elton John, Rocketman (2019), traite avec une inventivité qui fait toute la différence et qu’il avait manifestée dès son premier long métrage, The Greatest Showman (2017), consacré à la saga du cirque Barnum. Avec comme fil rouge un sens particulier de l’harmonie dans l’art d’imbriquer les images et les sons.





Better Man reflète la nature profonde de Robbie Williams qui, loin de tirer la couverture à lui, non seulement apparaît a minima à l’écran, mais semble très heureux d’être personnifié sous les traits d’un singe avec cet étrange phénomène de mimétisme qui lui vaut parfois de se produire devant un public à son image. Raccourci saisissant sur la rançon du succès et la capacité innée d’identification des fans à leur idole, lui-même bien décidé à devenir un “homme meilleur” après ses écarts de jeunesse. Nul besoin d’être un adorateur du chanteur ou un familier de son répertoire pour apprécier ce tour de force qui réussit la prouesse de s’appuyer sur des faits authentiques pour leur administrer un traitement de choc qui tient parfaitement la distance, ne serait-ce que parce que c’est toujours sa véritable voix qu’on entend, quels que soient ses traits. Le film se concentre en outre plus particulièrement sur la quête identitaire de ce garçon né dans un milieu populaire du Nord de l’Angleterre qui va concrétiser les rêves de célébrité de son père défaillant, avec le soutien attentionné de sa grand-mère, quitte à endurer une sévère traversée du désert et à en réchapper la tête haute après s’être égaré. Avec à la clé ce rebond salutaire en solo vécu comme son véritable aboutissement artistique et humain. Quitte à le partager avec son paternel dans un geste de reconnaissance ultime. Un itinéraire cahotique qui consacre définitivement Michael Gracey comme un digne émule de Ken Russell et de son compatriote Baz Luhrmann, eux aussi fascinés par les rapports qu’entretiennent la musique et les arts visuels, sans craindre de choquer par certaines audaces assumées.

Jean-Philippe Guerand







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