Film français de Franck Dubosc (2024), avec Laure Calamy, Franck Dubosc, Benoît Poelvoorde, Joséphine de Meaux, Kim Higelin, Claire Guillon, Mehdi Meskar, Emmanuelle Devos, Anne Le Ny… 1h52. Sortie le 1er janvier 2025.
Benoît Poelvoorde et Joséphine de Meaux
Franck Dubosc n’est jamais tout à fait là où on l’attend. Longtemps confondu avec le Patrick Chirac en slip de la trilogie Camping qui a rameuté près de dix millions de fidèles, il tente depuis de retrouver son intégrité en brouillant les pistes. Passé à la réalisation avec un film qui proposait autant d’amour que d’humour, Tout le monde debout (2018), une comédie sentimentale autour du handicap dont le succès présageait en fait celui d’Un p’tit truc en plus avec près de deux millions et demi de spectateurs. Retour de bâton avec son deuxième opus, Rumba la vie (2022), où il campe un père qui se convertit à la danse de salon pour rattraper le temps perdu sans sa fille. Malgré ses bonnes intentions et une critique plutôt élogieuse, le public ne suit pas cette tentative de l’acteur de se donner le mauvais rôle dans une démarche masochiste abordée comme un effacement suivi d’un recommencement. Nouveau changement de cap avec Un ours dans le Jura dont le titre ne reflète pas la folie lorsqu’on ignore qu’aucun de ces plantigrades ne vit dans cette région, sinon peut-être dans un zoo. Il nous prévient d’entrée de jeu : « Ceci est une histoire fausse. » Une communauté montagnarde y voit son traintrain quotidien bouleversé par un pactole providentiel abandonné involontairement par des narco-trafiquants qui ont vu le fameux ours avant de fermer les yeux définitivement. Ce thème de comédie policière inspire à Dubosc un véritable délire et à ses partenaires des numéros mémorables. Il faut dire qu’il est non seulement beau joueur mais partageur, se met en couple avec Laure Calamy version fantasque, c’est-à-dire aux antipodes de la mère protectrice qu’elle campe dans Mon inséparable d’Anne-Sophie Bailly toujours à l’affiche.
Franck Dubosc et Laure Calamy
Face à ce couple en crise dont l’appât du gain réveille la libido, Franck Dubosc associe Benoît Poelvoorde et Joséphine de Meaux dans un savoureux tandem d’enquêteurs qui justifie la filiation du film avec Fargo (1996) des frères Coen, ses étendues enneigées, ses autochtones bas de plafond et le Jura en guise de Minnesota, mais aussi avec deux autres références pour initiés : Un plan simple (1998) de Sam Raimi et surtout Poupoupidou (2010) de Gérald Hustache-Mathieu situé à l’épicentre du froid made in France, Mouthe, ainsi que la série qu’a engendré le film : Polar Park (2023). C’est dire combien Un ours dans le Jura convoque de clins d’œil volontaires ou accidentels et entrecroise de thèmes multiples dans une spirale de délire qui ne cesse d’aller crescendo pour culminer dans une boîte échangiste au rythme d’un tube populaire. On accuse volontiers de facilité et de paresse la comédie française populaire en raison de ses gags balourds et de son manque d’ambition, sensible récemment à travers une série de films de Noël bâclés qu’on aurait juré débités par une intelligence artificielle bégayante, pour ne pas saluer l’effort louable accompli de concert par Dubosc et sa coscénariste Sarah Kaminsky. Tout simplement parce qu’ils ont l’audace de faire sortir des sentiers battus ce polar pour rire dont les interprètes semblent s’amuser à peu près autant que nous, en se complaisant de situations saugrenues à souhait, en débitant des dialogues le plus souvent savoureux qui ne craignent jamais les bons mots et en s’offrant à peu près tous les culots. Y compris celui d’orchestrer l’affrontement d’un gros bonnet sud-américain de la drogue épris de fables aux commandes d’un chasse-neige.
Jean-Philippe Guerand
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