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Noël 2024 : Ça sent le sapin et les cadeaux empoisonnés !



Les boules de Noël

Film français d’Alexandra Leclère (2024), avec Valérie Bonneton, Kad Merad, Noémie Lvovsky, Rosa Bursztein, Louise Massin, Estéban, François de Brauer, Macha Méril, Jackie Berroyer, Laurent Stocker, Stephan Wojtowicz… 1h30. Sortie le 27 novembre 2024.






Noël à Miller’s Point

Christmas Eve In Miller’s Point Film américain de Thomas Tyler Taormina (2024), avec Matilda Fleming, Michael Cera, Francesca Scorsese, Gregg Turkington, Elsie Fisher, Sawyer Spielberg, Maria Dizzia, Ben Shenkman, Gregory Falatek, Lev Cameron, Laura Wernette… 1h46. Sortie le 11 décembre 2024.





Un Noël en famille

Film franco-belge de Jeanne Gottesdiener (2024), avec Noémie Lvovsky, Didier Bourdon, Alice Daubelcour, Christophe Montenez, Jules Sagot, Janaina Halloy Fokan, Marie Bunel, Renaud Rutten, Sissi Duparc… 1h30. Sortie le 18 décembre 2024.





Les cadeaux

Film français de Raphaële Moussafir et Christophe Offenstein (2024), avec Chantal Lauby, Gérard Darmon, Camille Lellouche, Mélanie Doutey, Vanessa Guide, Gringe, Max Boublil, Tom Leeb, Liliane Rovère, Charlie Yeramian… 1h23. Sortie le 25 décembre 2024.



La vie est belle (1947) de Frank Capra



Aux États-Unis, le film de Noël est une institution intangible qui a donné parfois le meilleur, de La vie est belle (1947) de Frank Capra à L’étrange Noël de Monsieur Jack (1993) d’Henry Selick, Love Actually (2003) de Richard Curtis et Le Pôle Express (2004) de Robert Zemeckis, en passant par les innombrables versions de Miracle sur la 34e Rue, Maman, j’ai raté l’avion, Le Grinch et Elf, mais aussi trop souvent le pire. Rien de tout cela en France où le bonhomme rouge inventé par Coca Cola a bizarrement vu sa bedaine, sa houppelande et son teint rubicond associés à des films plutôt atypiques, de L’assassinat du Père Noël (1941) de Christian-Jaque à L’arbre de Noël (1969) de Terence Young voire Le Père Noël est une ordure (1982) de Jean-Marie Poiré, en passant par J’ai rencontré le Père Noël (1984) de Christian Gion et Santa & Cie (2017) d’Alain Chabat. En Italie, le succès de ses films saisonniers a même donné naissance à un genre à part entière : le ciné panettone lancé en 1983 par Vacanze di natale de Carlo Vanzina qui a engendré pas moins d’une quinzaine de répliques à but lucratif en l’espace de trois décennies.



La bûche (1999) de Danièle Thompson



Reprenant une tradition plus que séculaire lancée dès 1898 par le Britannique George Albert Smith avec Saint-Nicolas, puis déclinée en France par Georges Méliès avec L’ange de Noël (1904) et Alice Guy avec Le Noël de monsieur le curé (1906), des producteurs de l’Hexagone en quête de nouveaux filons tentent depuis quelques années de décliner le concept de Noël selon le modèle éprouvé qui a substitué la célébration d’Halloween à la Toussaint, marketing inclus. Mais ça ne fonctionne toujours pas, à en juger par le bide récent de Noël joyeux (2023) de Clément Michel, hybridation contre nature entre Tatie Danielle (1990) d’Étienne Chatiliez et La bûche (1999) de Danièle Thompson. L’hiver 2024 semble d’ores et déjà à marquer d’une pierre blanche dans ce registre, tant il ambitionne de nous submerger de dinde, de cotillons, de paillettes et de grincements de dents. Reste que trop de Noël risque de tuer une magie en rouge et blanc déjà singulièrement mise à mal, la fête de famille vantée par le marketing constituant pour les plus fragiles un accélérateur de dépression et un véritable calvaire, tant il est difficile d’endurer seul cette période placée sous le signe du partage et de la convivialité.



Noémie Lvovsky dans

“Les boules de Noël” d’Alexandra Leclère



L’hiver 2024 est marqué par une recrudescence des comédies familiales qui croient pertinent de jouer la carte de la disruption organisée. Famille je vous aime, famille je vous hais : c’est à l’occasion de ces rassemblements festifs obligés que le vernis craque et que toutes les vérités trop longtemps enfouies deviennent bonnes à dire. Les rancœurs mal recuites y explosent avec leur cortège d’effets collatéraux sans que la fameuse trêve des confiseurs produise un quelconque effet bénéfique. Pas moins de trois productions françaises exploitent ce filon en décembre. Aucune n’ajoute pourtant la moindre initiative originale, histoire de saupoudrer de piment la guimauve. Ni Les boules de Noël d’Alexandra Leclère, remake cheap et vulgaire des Sœurs fâchées, ni Un Noël en famille de Jeanne Gottesdiener, ni Les cadeaux de Raphaële Moussafir et Christophe Offenstein, les deux premiers affichant par ailleurs une même interprète en tête de gondole : Noémie Lvovsky, laquelle en est venue à négliger sa carrière de réalisatrice au profit de ces emplois de rombières acariâtres et de vieilles filles aigries décalqués jusqu’à la nausée.



“Noël à Miller’s Point” de Thomas Tyler Taormina



Noël à Miller’s Point est quant à lui l’œuvre d’un véritable stakhanoviste du cinéma indépendant, Thomas Tyler Taormina, qui s’échine à rendre hommage à ses maîtres. En l’occurrence, il décalque sans beaucoup d’originalité le premier chef d’œuvre de George Lucas, American Graffiti, à un demi-siècle de distance, à travers une fresque chorale ponctuée de tubes incontournables. Malin et opportuniste jusqu’au bout, le réalisateur qui n’a visiblement pas grand-chose d’autre à débiter que des lieux communs s’offre tout de même deux interprètes secondaires aux patronymes ronflants : Francesca Scorsese et Sawyer Spielberg, d’ailleurs ostensiblement mis en avant malgré leurs rôles somme toute modestes. Beaucoup de tapage pour rien ou presque, sinon une interminable litanie de lieux communs et une cohorte de stéréotypes désincarnés qui cherchent à combler un vide abyssal.



Le Père Noël est une ordure (1982) de Jean-Marie Poiré



Le principe est aussi intangible que faussement subversif : la fête traditionnelle est l’occasion de régler ses comptes en se soulageant de tout ce qu’on a sur le cœur. Objectif : récupérer les fans des téléfilms sentimentaux débités à la chaîne par la société Hallmark Channel, filiale audiovisuelle du fabricant des célèbres cartes de vœux, qui s’invitent désormais en Prime Time à partir du mois d’octobre pour des audiences non négligeables et sont devenues désormais la chasse gardée des plateformes de streaming, comme l’attestent cette année Red One de Jake Kasdan avec Dwayne Johnson, en exclusivité sur Prime Video depuis le 12 décembre, simple tête de gondole d’un rayon qui comprend aussi Un prince pour Noël (2017), Le royaume des étoiles (2022), Un lutin pour Noël (2023), Noël à Candy Lane Lane (2023) et Jack in Time for Christmas (2024). Reste que cet art mineur répond à des règles dont tout le monde croit pouvoir s’affranchir en toute impunité. Résultat, un cru 2024 pléthorique mais rien moins qu’affligeant dont deux comédies françaises soutenues par des Majors hollywoodiennes qui espéraient décrocher le jackpot mais vont payer leur concupiscence au prix fort. Le Père Noël n’est ni une ordure ni un perdreau de l’année. Pas plus que les spectateurs ne sont des pigeons, mais cet esprit de joie imposée sent surtout… le sapin et les cadeaux empoisonnés dans la hotte cinématographique.

Jean-Philippe Guerand







Red One de Jake Kasdan

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