Mufasa : The Lion King Film d’animation américain de Barry Jenkins (2024), avec (voix) Aaron Pierre / Tahar Rahim, Kelvin Harrison Jr. / Gwendal Marimoutou, Tiffany Boone / Aurélie Konate, Mads Mikkelsen / Daniel Lobe, Thandiwe Newton / Annie Milon, Seth Rogen / Alban Ivanov, Billy Eichner / Jamel Debbouze, Donald Glover / Rayane Bensetti, Beyoncé Knowles-Carter / Anne Sila… 1h58. Sortie le 18 décembre 2024.
Le roi lion occupe une place à part au sein de l’épopée centenaire de Walt Disney. Le dessin animé réalisé par Roger Allers et Rob Minkoff il y a tout juste trente ans est devenu immédiatement le film de toute une génération en inscrivant au cœur de la savane des intrigues de cour dignes d’une tragédie shakespearienne. Porté par son succès (près d’1 milliard de dollars de recette mondiale), outre des téléfilms, une série et un jeu vidéo, les studios ont ensuite décliné ce concept en 2019 (près d’1,7 milliard de dollars engrangé) dans une version homonyme en live action qui s’est heurtée toutefois à un écueil majeur : les personnages sont tous des animaux sauvages, ce qui compliquait singulièrement la dramaturgie proprement dite et nécessitait des effets spéciaux en abondance pour donner une crédibilité minimum à l’ensemble. Il en va tout autrement avec Mufasa : Le roi lion, prequel commun aux deux versions qui revient aux origines du mythe à travers l’apprentissage du pouvoir par le futur père de Simba. C’est à un auteur pur et dur, Barry Jenkins, ci-devant réalisateur engagé de Moonlight (2016) et Si Beale Street pouvait parler (2018), qu’a été confiée la supervision de ce film qui met les ressources technologiques les plus sophistiquées de l’animation actuelle au service d’un réalisme impressionnant qui laisse pantois et permet d’entrevoir les perspectives de l’intelligence artificielle si elle venait à être utilisée sans parcimonie. Paradoxalement, ce sont ses licences poético-scientifiques qui humanisent en quelque sorte cette mécanique de précision : notamment le regroupement final utopique des animaux autour d'un point d'eau au cours duquel les prédateurs et leurs proies se mélangent harmonieusement sans même chercher à se regrouper par espèces. Cette perfection esthétique (plutôt que proprement graphique) est en outre contre-balancée ici par la profonde humanité qu’applique au scénario un cinéaste réputé pour sa sensibilité, même si l’intrigue ploie sous une surenchère verbale qui cherche trop à tout expliquer. De peur d’être incompris ?
Barry Jenkins avoue avoir été intéressé par le thème de la paternité qui se trouve au cœur même de la saga du Roi lion. On s’y attache en l’occurrence à l’apprentissage du pouvoir par un jeune lion coupé des siens qui va être élevé par une autre tribu avant de se retrouver en concurrence avec son copain d’enfance. L’une des meilleures idées du film consiste à distinguer les protagonistes par la clarté de leur pelage, un artifice de nature à rendre l’intrigue plus intelligible par le jeune public. Progrès oblige, son esthétique cultive une ambiguïté assumée quant à sa classification même. L’animation joue la carte du réalisme à un point tel que sans le don de la parole qui est accordé aux animaux, et encore pas à tous (ni les éléphants, ni les girafes, ni les hippopotames ne font entendre leur voix), on pourrait parfois se croire dans un documentaire à gros budget de National Geographic. L’intervention de Jenkins se révèle à ce titre déterminante par l’intelligence de son découpage et l’ampleur de certains mouvements de caméra que rend seule possible la technologie de pointe lorsqu’elle est utilisée avec suffisamment de discernement pour éviter l’épate. Au-delà de la perfection qu’autorisent désormais les ressources illimitées de l’animation en volume, le réalisateur tire profit des gros plans pour faire naître des émotions inattendues de ces truffes, de ces postures et de ces regards ô combien expressifs. On ne peut toutefois y voir aussi qu’un comble de l’anthropomorphisme cher à Disney depuis toujours. Mais c’est une vieille histoire…
Jean-Philippe Guerand
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