Film français d’Anne-Sophie Bailly (2024), avec Laure Calamy, Charles Peccia-Galletto, Julie Froger, Geert Van Rampelberg, Rébecca Finet, Pasquale d’Inca, Aïssatou Diallo Sagna, Jean de Pange, Carima Amarouche, Jonas Wertz, Camille Pistone, Benoît Deshayes, Saadia Bentaïeb, Yanis Oueriemi, Johann Barchechath, Joris Pierot… 1h34. Sortie le 25 décembre 2024.
Charles Peccia-Galletto
Connue jusqu’ici en tant que court-métragiste et scénariste, notamment du savoureux Procès du chien de Laetitia Dosch, Anne-Sophie Bailly s’attaque dans son premier long à un sujet particulièrement délicat, à travers les relations intenses d’une mère avec son fils unique que vient perturber brutalement le réel. Ce jeune adulte atteint d’un retard cognitif est en effet amoureux d’une de ses collègues du centre d’aide par le travail (CAT) dans lequel ils partagent leurs journées et une certaine intimité. Jusqu’au jour où la jeune fille découvre qu’elle est enceinte de ses œuvres. C’est la panique dans les familles des deux tourtereaux qui redoutent que de l’union de ces êtres handicapés puisse naître un enfant victime de leur hérédité. Dès lors, cette grossesse va concentrer toute leur attention, tandis que le jeune couple se prépare à la naissance avec autant d’insouciance que de sens des responsabilités. La réalisatrice réussit à faire cohabiter ces deux postures divergentes à partir d’une situation unique en la traitant comme une histoire somme toute banale. C’est toute la magie de ce film de dédramatiser son propos à travers une succession d’événements qui apparaîtraient anodins dans un autre contexte, mais impliquent ici un véritable enjeu dramatique par les questions qu’ils soulèvent. L’émotion naît quant à elle du décalage qui s’instaure peu à peu entre une femme qui semblait préparée à devoir assumer son rôle de mère pendant toute sa vie et un fils qui fait l’apprentissage de l’indépendance avec toutes les interrogations que suscite cette situation. Au premier rang duquel une paternité dont il n’a pas connu de modèle, mais qui implique que lui dont on s’est toujours occupé doive à son tour assumer ces responsabilités qui semblent démesurées à son entourage.
Charles Peccia-Galletto et Julie Froger
La magie de Mon inséparable consiste à ne jamais adopter la posture du pathos ou du film à thèse, pour s’appuyer sur une situation potentiellement délicate en balayant les préjugés et les idées préconçues. Le cœur du propos se situe en fait dans l’amour exclusif qui lie la mère à son fils et ce réflexe de protection qu’elle a adopté depuis sa naissance. Au point de ne même pas imaginer qu’il puisse en venir à la quitter un jour. Qui plus est pour une autre et avec un projet de vie qui apparaîtrait banal dans un autre contexte, de l’emménagement dans un appartement commun aux préparatifs avant l’accouchement. Avec toujours ce doute insidieux qui hante les parents malgré eux et les incite à la colère ou à la sidération avant même de se réjouir à la perspective de devenir grands-parents. Un rôle écrasant que Laure Calamy s’approprie avec sa fougue habituelle, comme elle l’a déjà fait dans deux de ses meilleurs films : À plein temps et Une femme du monde, en 2021. Elle a toutefois face à elle ici un partenaire d’autant plus déconcertant que c’est son premier grand rôle à l’écran, Charles Peccia-Galletto. Réalisé sans artifice ni esbroufe, Mon inséparable fait partie de ces films qui vous poursuivent longtemps après leur générique de fin par leur subtile alchimie de charme et d’émotion. Avec en plus la capacité de faire évoluer notre regard en balayant nos préjugés et en interrogeant notre propre rapport à la “différence”, davantage dans l’esprit du Huitième jour (1996) de Jaco van Dormael voire de l’émission télévisée “Les rendez-vous du Papotin” que d’Un p’tit truc en plus d’Artus, qui recycle avant tout les codes de la comédie policière, en substituant parfois l’humour au comique, mais sans jamais rien fabriquer de façon artificielle. À commencer par l’émotion.
Jean-Philippe Guerand
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