Film franco-italien de Gianluca Jodice (2024), avec Guillaume Canet, Mélanie Laurent, Aurore Broutin, Vidal Arzoni, Hugo Dillon, Tom Hudson, Roxane Duran, Fabrizio Rongione, Anouk Darwin Homewood, Nicolas Buchoux, Erwin Aureillan… 1h41. Sortie le 25 décembre 2024.
Mélanie Laurent et Guillaume Canet
Trois ans après la prise de la Bastille, l’Ancien Régime survit en la personne du couple royal formé par Louis XVI et Marie Antoinette. C’est cette période méconnue qui va de son arrestation à sa détention à la prison du Temple à laquelle s’attache ce film inspiré pour une large part des carnets de Cléry, le valet de chambre du roi qui lui est resté fidèle jusqu’à son dernier souffle. Le cinéma s’est souvent intéressé à cette période de notre histoire à travers ses faits les plus marquants. Au fil de quelque soixante-dix représentations dénombrées au cinéma, Sofia Coppola a même fait de Marie-Antoinette (2006) une véritable icône sous les traits de Kirsten Dunst, là où Pierre Granier-Deferre en avait brossé un portrait ô combien plus traditionnel dans L’Autrichienne (1990) en la personne d’Ute Lemper. Le réalisateur italien Gianluca Jodice, qui signe ici son deuxième long métrage, a opté quant à lui pour une position médiane en dépouillant peu à peu les monarques de leurs oripeaux, comme pour montrer leur humanité débarrassée de l’étiquette et des artifices de la cour. Le film prend soin de dissocier les deux époux dans l’épreuve qu’ils traversent et le casting y contribue pour une bonne part. Riche idée que d’avoir confié le rôle de Louis XVI à Guillaume Canet qui joue à merveille de sa mollesse pour composer un personnage renfermé qu’on voit même s’adonner à la manipulation de ces serrures et ces clés dont la mémoire collective a perpétué l’image d’Épinal, comme un mélange d’innocence et d’inconscience. Il en va tout autrement de l’incarnation de Marie-Antoinette par Mélanie Laurent dont nos grands-mères auraient décrété qu’elle porte la culotte par son mélange de détermination et d’insoumission face à une fatalité qu’elle refuse. Au point que le réalisateur qui s’est inspiré du portrait qu’en a dressé l’écrivain Stefan Zweig lui prête un bref syndrome de Stockholm qu’il revendique comme une licence poétique assumée, dans le but d’accentuer la cohérence psychologique de cette femme guidée uniquement par ce devoir de reine en vue duquel elle a été conditionnée depuis sa naissance.
Guillaume Canet et Mélanie Laurent
Malgré un titre qui ne reflète pas vraiment la tonalité générale de cette chronique, Le déluge s’attache à montrer comment les événements sont parfois de nature à faire évoluer les mentalités dans des conditions qui se dégradent petit à petit, la famille royale évoluant peu à peu de la résidence surveillée à la détention proprement dite en perdant ses derniers privilèges et en voyant diminuer de façon drastique la domesticité qui lui a été assignée. Cette déchéance, le réalisateur la met en scène en quelque sorte comme un cuisinier épluche un oignon : en ôtant couche après couche pour atteindre le nerf. Avec ce corollaire que le couple royal a toujours du mal à comprendre ce qui lui arrive et qu’il est passé à son insu de son statut monarchique à celui de symbole d’une époque vouée à sombrer dans les oubliettes de l’histoire. Le film a été conçu comme une tragédie en trois actes (“Les dieux”, “Les hommes” et “Les morts”) qui débute dans un château déserté dont la blancheur immaculée évoque la splendeur du passé par son absence de décorations et de mobilier, se poursuit à travers l’humanisation des protagonistes dont on se rapproche pour mieux appréhender leurs tourments et s’achève par une vision plus clinique qui n’est en fait ni plus ni moins que l’antichambre de la fin imminente. Un cérémonial funèbre qui constitue lui-même le hors-champ de ce qui se joue ailleurs où le tribunal révolutionnaire décide du sort de ces symboles de la royauté détrônée, tandis que la Terreur justifie son nom. Avec tous les symboles que véhicule cette revanche de la plèbe contre ses oppresseurs, en écho à la France actuelle où les Gilets Jaunes ont rouvert les cahiers de doléances fermés depuis la Révolution Française par le fait d’un prince de la Cinquième République qui a refusé d'en divulguer le contenu. Comme le calme avant la tempête. Ou plutôt… avant le déluge !
Jean-Philippe Guerand
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