Documentaire français de David Hertzog Dessites (2024), avec Michel Legrand, Miles Davis, Jacques Demy, Charles Aznavour, Barbra Streisand, Natalie Dessay David Hertzog Dessites, Macha Méril, Catherine Michel… 1h49. Sortie le 4 décembre 2024.
Michel Legrand et Jacques Demy
Tout le monde a en mémoire Ennio (2021), le formidable documentaire consacré par Giuseppe Tornatore à Morricone, le géant de la musique italienne. C’est très précisément dans ses pas qu’a décidé de se placer David Hertzog Dessites en évoquant la mémoire de son homologue français, Michel Legrand (1932-2019). L’un comme l’autre ont composé et dirigé jusqu’à leur dernier souffle, sans toutefois mourir sur scène. Volontiers réduit à sa collaboration aux comédies musicales de Jacques Demy, aux “Moulins de mon cœur” composé pour L’affaire Thomas Crown (1968), film que de Norman Jewison a monté sur sa musique dans un procédé alors inédit, voire à Un été 42 (1972) de Robert Mulligan et Yentl (1983) de Barbra Streisand qui lui ont valu ses trois Oscars, ce stakhanoviste infatigable a pourtant investi à peu près tous les aspects de la musique, contribué à importer en France le jazz américain en jouant avec ses plus grands maîtres et noué des collaborations souvent fertiles avec des artistes parfois venus d’horizons éloignés, de Maurice Chevalier à la chanteuse lyrique Nathalie Dessay, en passant par la danseuse Zizi Jeanmaire. Fils du légendaire maestro Raymond Legrand, lui-même successeur de Ray Ventura dans l’ombre duquel il a commencé à écrire des orchestrations et des arrangements, il semblait prédisposé à marcher sur ses traces, mais a choisi de prendre ses distances en investissant des domaines qu’il a entrepris d’apprivoiser sans renoncer à sa singularité artistique. C’est cette pluralité qui fait la richesse du film que lui consacre aujourd’hui un inconditionnel de son œuvre. Quitte à apparaître lui-même à l’image à ses côtés dans une folie de fan un rien puérile. Mais là n’est pas l’essentiel…
Michel Legrand
Il était une fois Michel Legrand réussit la prouesse d’embrasser les moindres facettes d’un homme public immensément populaire qui s’est échiné à rester concentré sur son art jusqu’à son dernier souffle et sans concessions dans le cadre solennel de la Philharmonie de Paris. De la variété au classique en passant par le jazz, l’artiste a tout joué sans aucun souci de hiérarchie et noué des complicités parfois atypiques. Cet as du Conservatoire dont le nom a été donné à un astéroïde en 1998 est évoqué ici selon une structure à la chronologie éclatée qui réussit la prouesse d’embrasser sa diversité et de lui donner la parole avec générosité, sans pour autant occulter ses coups de gueule légendaires qu’il justifiait par son perfectionnisme. Le choix des archives est pertinent, certaines images tournées pour le film parfois un peu envahissantes, tant elles semblent anecdotiques par rapport à l’ensemble. Le projet répond toutefois assez justement à son ambition et réussit à cerner la complexité d’un artiste pétri de contradictions dont la musique reste plus célèbre que la personnalité, même s’il n'a jamais été un homme de l’ombre et a même volontiers poussé la chansonnette, seul ou en duo. David Hertzog Dessites laisse éclater son admiration et même sa vénération, mais prend soin de toujours inclure le spectateur dans son processus de création, avec la complicité de la dernière épouse du virtuose, la comédienne Macha Méril devenue aujourd’hui la gardienne officielle de sa mémoire. Ce biopic documentaire affiche une richesse dont le foisonnement est de nature à attirer un auditoire plus vaste que le cercle déjà vaste des admirateurs de Michel Legrand.
Jean-Philippe Guerand
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