Film français de Marcia Romano et Benoît Sabatier (2024), avec Christophe Paou, Roxane Mesquida, Angèle Metzger, John Arnold, Bella Baguena, Venus Yaffa, Rayan Khennouf, Julie Leclerc, Yasmine Neya… 1h36. Sortie le 11 décembre 2024.
Angèle Metzger et Christophe Paou
Voici un film qui affiche sa différence et plus encore la brandit comme un fier étendard programmatique. Un brave type un peu gauche débarque à Marseille pour essayer de rendre un semblant de sens à sa vie en miettes. On comprend très vite que sa fille est morte et qu’il tente de recoller les morceaux en marchant sur les traces éparses de la disparue, en compagnie des donzelles avec lesquelles elle avait créé le Girls Band Fotogenico et même enregistré un album. Cohabitation pittoresque en forme de rédemption où rien n’est vraiment orthodoxe. Entre ce père pas vraiment doué pour cet emploi et ces filles qui apparaissent comme autant d’alternatives possibles de celle qu’il n’a pas su protéger de ses démons s’instaure une étrange complicité post mortem. Fotogenico est né de l’union de deux personnalités : la scénariste Marcia Romano, associée à des films tels que La tête haute (2016) d’Emmanuelle Bercot et L’événement (2022) d’Audrey Diwan, et le critique musical Benoît Sabatier avec lequel elle boucle ici une “petite trilogie marseillaise” qui comptait déjà Le moral des troupes (2015) et Amore Synthétique (2016) dont l’exploitation est demeurée plutôt confidentielle. Un projet qui séduit par la confusion délibérée qu’il entretient entre la gravité de son travail de deuil et la légèreté de son traitement accentuée par un casting disruptif et des pointes d’humour parfois baroques. Comme dans la vraie vie.
Angèle Metzger et Christophe Paou
Ce film tragi-cocasse est indissociable de son personnage principal, Raoul, ce grand escogriffe au regard doux campé par Christophe Paou, l’assassin de L’inconnu du lac (2013) d’Alain Guiraudie que son don pour l’improvisation a conduit à croiser la route du collectif Les Chiens de Navarre. Sa présence s’impose dès sa première apparition dans un mélange d’autorité et d’innocence qui l’incite à combler le vide abyssal qu’a laissé cette fille victime d’une overdose dont le dealer n’est pas exactement le monstre inhumain qu’il avait imaginé. Au contact des trois autres membres de Fotogenico, il va donner un sens inattendu à sa quête dans une sorte de célébration posthume. Avec à l’appui un casting qui s’appuie sur des personnages féminins eux aussi atypiques qu’interprètent notamment Roxane Mesquida, l’ex-muse de Quentin Dupieux, et Angèle Metzger, vue notamment chez Serge Bozon et Bertrand Mandico. Il émane de cette proposition cinématographique sélectionnée par l’Acid au Festival de Cannes une bizarrerie attachante qui finit par nous envahir d’une émotion jamais fabriquée. C’est l’un des atouts majeurs de ce film faussement foutraque qui s’inscrit dans le cadre de Marseille, mais loin de tous les clichés qui s’y rattachent et notamment de ses chantres officiels, Marcel Pagnol et Robert Guédiguian. Dans un esprit résolument punk que souligne la musique du duo Froid Dub, les autochtones Marcia Romano et Benoît Sabatier filment cette ville à laquelle ses murs tagués donnent parfois une allure de bande dessinée comme un haut lieu de la sphère underground. Aux antipodes des quartiers Nord et du Stade Vélodrome, mais dans un esprit qui renvoie au fameux Cap Canaille (1983) de Juliet Berto et Jean-Henri Roger par sa volonté de naviguer entre les fameuses zones d’ombre et de lumière qui caractérisent la cité phocéenne.
Jean-Philippe Guerand
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