Film français de Frédéric Potier et Valentin Potier (2024), avec Camille Razat, Mélanie Robert, Franck Dubosc, Isabelle Carré, August Wittgenstein, Elisa Doughty, Thomas Landbo, Lennart Betzgen, Lola Aubrière, Meledeen Yacoubi, François Le Liepvre, Nina Mazodier, Lucie Usal, Karim Wallet… 1h41. Sortie le 20 novembre 2024.
Mélanie Robert et August Wittgenstein
On ne compte plus les films qui puisent leur inspiration dans des histoires vraies ressemblant parfois à des contes de fées. Le premier long métrage des frères Potier s’attache à deux sœurs jumelles que leur père a décidé de transformer en virtuoses du piano. Jusqu’au jour où l’une d’elles est remarquée par un virtuose qui entreprend de l’accompagner vers la gloire. Difficile pour sa sœur de garder confiance en ses moyens. Prodigieuses propose une réflexion à géométrie variable sur la grandeur et la servitude qu’implique n’importe quelle carrière artistique. Avec ce transfert du pater familias frustré de ne pas avoir assouvi sa propre ambition artistique (formidable Franck Dubosc), face à une mère effrayée de voir ses deux filles traitées comme d’athentiques cobayes (Isabelle Carré, comme toujours impeccable). Un destin malin s’insinue dans cette histoire en mettant en danger les deux virtuoses atteintes dans leur chair et contraintes de revenir à la raison pour ne pas tout perdre. Ce film qui joue volontiers la carte de l’émotion pratique la disruption systématique et se refuse à suivre une trajectoire rectiligne. Sa particularité consiste à brasser plusieurs thématiques en s’attachant à une rivalité contre nature entre deux jeunes femmes unies comme les doigts de la main qui vont devoir concilier leur ambition personnelle avec une quête de la perfection et les sacrifices qu’elle implique, à un âge où le plaisir devrait primer sur la discipline.
Isabelle Carré et Franck Dubosc
Son casting est pour beaucoup dans le charme insidieux que distille cette histoire. En général, au cinéma, les jumelles sont incarnées soit par de véritables sœurs, soit par une actrice qui tient simultanément les deux rôles. Les Potier père et fils qui œuvrent eux-mêmes en tandem ont opté pour une solution alternative en confiant ces rôles à deux actrices qui ne revendiquent pas le moindre lien de parenté et qui s’avèrent du coup parfaitement identifiables à l’écran, Camille Razat et Mélanie Robert. Cette licence poétique audacieuse contribue pour une bonne part à renforcer la cohérence narrative de ce film qui s’offre l’audace de décrire les étapes successives qui jalonnent leur route vers la gloire en dédoublant cet itinéraire. Dans la réalité, ces sœurs nommées Audrey et Diane Pleynet ont déjà inspiré à Niels Tavernier un documentaire intitulé Le mystère des jumeaux (2009). Au-delà de cette histoire incroyable mais authentique, Prodigieuses élargit son propos en traitant de la difficulté d’être deux quand il n’y a qu’une seule place disponible, mais aussi de la nécessité qui contraint ces deux sœurs menacées dans leur chair à s’adapter pour pouvoir s’accrocher à leurs rêves et satisfaire les ambitions par procuration d’un père frustré sous la protection d’une mère trop longtemps réduite au silence. Quitte à inventer une façon révolutionnaire de jouer du piano pour éviter de se mettre en danger. Ces virtuoses sont bel et bien prodigieuses et ce qualificatif n’est vraiment pas usurpé.
Jean-Philippe Guerand
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