Accéder au contenu principal

“Piece By Piece” de Morgan Neville




Documentaire d’animation américain de Morgan Neville (2024), avec (voix) Pharrell Williams, Shae Haley, Chad Hugo, Pusha T, Timbaland, Missy Elliott, Teddy Riley, Jay Z, Busta Rhymes, Gwen Stefani, Snoop Dogg, Justin Timberlake, Kendrick Lamar, Morgan Neville, Aaron Wickenden… 1h33. Sortie le 20 novembre 2024.





Encore un projet étrange qui accouche d’un film résolument atypique. Sous couvert de consacrer un documentaire à Pharrell Williams, Morgan Neville a décidé de procéder en utilisant les ressources du cinéma d’animation et en associant pour cela une multinationale à cette star de la musique : le fabricant de jouets Lego. Le résultat est réellement surprenant et constitue peut-être le comble du placement de produit, lorsque le logo de la marque en vient à submerger l’écran à travers les briques à perte de vue qui composent ses paysages et notamment la mer. Une prouesse technico-esthétique au service d’un message commercial efficace sinon cynique. Il convient de juger Piece by Piece sur des critères inhabituels, à savoir une entreprise de promotion industrielle qui brouille les codes en vigueur et transgresse à peu près toutes les règles en vigueur. Le chanteur devient ainsi malgré lui (ou pas…) un véritable homme-sandwich qui se raconte dans une improbable opération d’auto-promotion, à travers ses plus grands succès et des témoins eux-mêmes fort célèbres. Du coup, la critique se trouve réduite à sa plus simple expression, face à un spectacle qui assume ses choix et capitalise sur ses atouts conjugués : une star internationale, des témoins au-delà de tout soupçon, des standards incontournables et des petites briques propices à tous les usages.





Depuis la création de sa filiale cinématographique en 2016, le groupe Lego a compris tout le profit médiatique et commercial qu’il pouvait tirer de la mise en scène de ses produits, le succès des films entraînant mécaniquement une augmentation des ventes de jouets. Exemple suivi depuis par Mattel que le triomphe planétaire de Barbie a sauvé d’une faillite annoncée. Les deux volets de La grande aventure Lego (2014 et 2019), Lego Batman, le film et Lego Ninjago, le film (2017) ont ouvert la voie à une diversification lucrative qui se décline aujourd’hui sur un registre plus modeste, mais sans doute tout aussi payant en termes d’image de marque pour Pharrell Williams qui a été engagé début 2023 comme directeur artistique de Louis Vuitton Homme. Piece by Piece sert en outre opportunément de rampe de lancement à la chanson du même titre, selon un système de vases communicants savamment étudié par des as du marketing viral qui ont compris comment multiplier les sources de profit. Dès lors, juger des qualités de ce film plaisant mais nombriliste en tant qu’œuvre artistique apparaît comme un leurre, mais on peut tout de même apprécier l’intelligence de l’entreprise et la redoutable efficacité du résultat final qui gagne sur tous les tableaux sans même faire mine de dissimuler ses intentions. Morgan Neville a par ailleurs démontré son talent en décrochant l’Oscar 2014 du documentaire pour le déjà musical Twenty Feet from Stardom. Les apparences sont donc sauves.

Jean-Philippe Guerand






Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Berlinale Jour 2 - Mardi 2 mars 2021

Mr Bachmann and His Class (Herr Bachmann und seine Klasse) de Maria Speth (Compétition) Documentaire. 3h37 Dieter Bachmann est enseignant à l’école polyvalente Georg-Büchner de Stadtallendorf, dans le Nord de la province de Hesse. Au premier abord, il ressemble à un rocker sur le retour et mêle d’ailleurs à ses cours la pratique des instruments de musique qui l’entourent. Ses élèves sont pour l’essentiel des enfants de la classe moyenne en majorité issus de l’immigration. Une particularité qu’il prend constamment en compte pour les aider à s’intégrer dans cette Allemagne devenue une tour de Babel, sans perdre pour autant de vue leurs racines. La pédagogie exceptionnelle de ce professeur repose sur son absence totale de préjugés et sa foi en une jeunesse dont il apprécie et célèbre la diversité. Le documentaire fleuve que lui a consacré la réalisatrice allemande Maria Speth se déroule le temps d’une année scolaire au cours de laquelle le prof et ses élèves vont apprendre à se connaître...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...