Film français de Jennifer Devoldère (2024), avec Joachim Arseguel, José Garcia, Aure Atika, Tom Meusnier, Eva-Rose Pacaud, Marie-Léa Diab, Denis Brogniart, Neige de Maistre, Cédric Vieira, Claire Dumas, Vittoria Scognamiglio, Nicolas Roussiau, Annaïg Briand… 1h33. Sortie le 20 novembre 2024.
Joachim Arseguel
Voici un film qui assume ses vertus programmatiques et ne se dérobe jamais devant l’obstacle, aussi infranchissable puisse-t-il paraître. Il s’attache à un garçon plutôt timoré et affligé d’un terrible bégaiement. Jusqu’au moment où un professeur entreprend de monter un atelier-théâtre auquel cet élève atypique décide de s’inscrire afin d’essayer de surmonter son handicap et de prendre confiance en lui à un âge de la vie qu’on qualifie à juste raison d’ingrat. Pas question pour lui de tenir un emploi annexe dans “Cyrano de Bergerac”. Celui qu’il convoite, c’est carrément le rôle-titre de la pièce d’Edmond Rostand avec ses tirades interminables et ses alexandrins sophistiqués. Comme on se doute d’emblée que le film ne peut que bien finir, on se dit que le suspense s’annonce réduit à sa plus simple expression. C’est cependant compter sans la confiance que voue Jennifer Devoldère à son scénario. Il faut préciser que la réalisatrice a déjà plusieurs Feelgood Movies à son actif dont le récent Sage homme dans lequel elle s’attachait à un étudiant en médecine en immersion dans l’un des rares métiers réservés aux femmes, celui d’accoucheuse. Le panache s’appuie pour une bonne part sur la capacité d’empathie que dégage son personnage principal. Or, la cinéaste n’a pas choisi pour l’interpréter un acteur de composition capable de simuler un bafouillement à la demande, mais bel et bien un bègue authentique qui possède en outre un charme hors du commun malgré (ou en raison de) son handicap.
José Garcia
Le panache coche à peu près toutes les cases de la bienveillance. Sous l’aspect d’une comédie adolescente traditionnelle se cache une réflexion intelligente sur la différence confrontée au regard des autres. Face à ce Joachim Arseguel qui ne triche pas avec sa maladresse mais a appris à cohabiter avec ces mots qui s’encombrent dans sa bouche, José Garcia apporte sa bonhomie naturelle à un enseignant compréhensif qui croit aux vertus des mots et aux vertus thérapeutiques de l’art dramatique comme remède à la timidité et à l’introspection, tandis qu’Aure Atika incarne une mère protectrice dont on devine qu’elle assume la responsabilité depuis les premiers mots articulés par son fils. Difficile de ne pas se laisser porter par cette petite musique qui utilise les ressources de la comédie adolescente au profit d’une ode à la tolérance. Jennifer Devoldère n’essaie jamais de tricher avec son sujet ni d’éluder les questions qui fâchent. Elle préfère foncer sans se retourner en positivant une situation inconfortable et en abordant ce sujet très sérieux aussi naturellement que possible, moins en forçant le trait comme Artus dans Un p’tit truc en plus ou en gardant son sérieux comme Olivier Nakache et Éric Toledano dans Hors normes (2019) qu’en jouant la carte de la pure tendresse d’une comédie comme La famille Bélier (2014) d’Éric Lartigau qui part du principe que rien n’est impossible dans le meilleur des mondes. Et ce n’est pas le panache qui manque à ce joli conte.
Jean-Philippe Guerand
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