Film américain de Scott Beck et Bryan Woods (2024), avec Hugh Grant, Sophie Thatcher, Chloe East, Topher Grace, Elle Young, Julie Lynn Mortensen, Haylie Hansen, Hanna Huffman, Elle McKinnon, Anesha Bailey, Miguel Castillo, Stephanie Lavigne, Wendy Gorling, Carolyn Adair, River Codack… 1h50. Sortie le 27 novembre 2024.
Hugh Grant, Sophie Thatcher et Chloe East
Devenu une véritable manne auprès du public adolescent qui n’aime rien tant que se faire peur et frissonner en groupe, le cinéma d’horreur ne cesse de ressasser les mêmes thèmes et mettre en scène des croquemitaines de plus en plus effrayants, en repoussant sans cesse les limites du mal. L’argument d’Heretic est élémentaire. Au fin fond du Colorado, deux jeunes missionnaires chargées de faire du porte-à-porte pour l’église mormone dans un but évangélisateur aboutissent à une maison isolée. Là, elles se trouvent confrontées à un homme accueillant mais étrange qui manifeste une résistance narquoise à leur pouvoir de conviction éprouvé, mais ne semble pas insensible pour autant à leur charme juvénile qui semble l’émoustiller. Jusqu’au moment où son piège diabolique se referme sur elles et les entraîne dans un véritable cauchemar. Scott Beck et Bryan Woods orchestrent une véritable mécanique de précision en jouant sur le contraste saisissant qui oppose ces donzelles au service d’une noble cause et ce barbon dénué de scrupules qui revendique son hérétisme comme un trophée de chasse parmi une communauté provinciale au summum du conformisme moral et religieux. Un microcosme qui reflète la polarisation à l’extrême de l’Amérique d’aujourd’hui où le mal est personnalisé par une sorte de père tranquille que campe un acteur britannique en la personne de Hugh Grant dans un contre-emploi savoureux d’ange exterminateur sardonique et raisonneur.
Sophie Thatcher
Imaginé par les scénaristes de Sans un bruit, Heretic dépasse allègrement les limites du film de genre pour proposer une sorte de coup de loupe sur les paradoxes d’une certaine Amérique profonde bien résolue à payer pour ses fautes. Scott Beck et Bryan Woods prennent clairement le parti du personnage campé par Hugh Grant, en lutte contre le politiquement correct et les culs-bénis qui se réfugient derrière leur Bible dans un subtil mélange d’hypocrisie et de refus, d’affronter la réalité sous prétexte d’une hypothétique colère divine. Quitte à pousser ses deux jeunes colporteuses de bonne parole à s’échapper de leur zone de confort pour sauver leur peau en risquant leur place au paradis. Leur tourmenteur est quant à lui un homme affable qui les rassure en affirmant que la tourte qu’il leur propose a été confectionnée par son épouse et qui règne en fait sur un véritable labyrinthe souterrain. Le film se caractérise par la place inaccoutumée qu’il accorde aux conversations entre les trois protagonistes, le maître des lieux étant un beau parleur qui oppose les plus fines subtilités de la philosophie et de la religion aux rudiments dont se servent ses jeunes visiteuses pour rallier à leur cause de nouvelles brebis égarées. Ce cérémonial sophistiqué est en outre baigné d’un humour souvent féroce qui va de pair avec un sens consommé de la mise en scène dont le sadisme ne constitue que le bouquet final. Comme pour démontrer que le cinéma d’horreur peut parfois s’affranchir des surenchères artificielles sans sacrifier pour autant son efficacité.
Jean-Philippe Guerand
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