37 Film français d’Arthur Môlard (2024), avec Guillaume Pottier, Melodie Simina, Agnès Sourdillon, Arnaud Churin, Christophe Vandevelde, Ary Gabison, Sandra Macedo, Lisa Perrio, Evelyn Ariza, Claire Patronik… 1h33. Sortie le 20 novembre 2024.
Guillaume Pottier et Melodie Simina
À une époque pas si lointaine, les étudiants en cinéma apprenaient leur métier en regardant les classiques reconnus. Au point de se réclamer parfois de leurs glorieux aînés. La jeune génération a changé totalement de références. Biberonnée au cinéma d’exploitation et assaillie d’images surgies de toutes parts, elle est en train de s’approprier un nouveau langage que les progrès de la technologie rendent désormais immédiatement accessible. Cette démocratisation a entraîné une diminution considérable des coûts de production en rendant sa primauté à l’imagination. Ce sont sans doute ces facteurs conjugués qui expliquent que le film de genre soit devenu la nouvelle manne des jeunes réalisateurs qu’il a nourris. 37 : l’ombre et la proie, la dernière manifestation en date de ce phénomène, s’inscrit en outre dans une tendance récente qui consiste pour les Majors américaines à développer des productions qu’on aurait naguère qualifiées de séries B, parce qu’elles osent se passer de vedettes et n’ambitionnent que l’efficacité la plus immédiate. L’investissement est limité, le seuil de rentabilité particulièrement accessible. C’est le principe fondateur de Parasomnia, une nouvelle collection qui ambitionne de produire cinq films pour le prix d’un en baissant le curseur pour limiter les risques et revenir aux fondamentaux du septième art. Quant au message, s’il y en a un en prime, comme ironisait John Ford, il est plutôt l’apanage des services postaux. Le premier long métrage d’Arthur Môlard joue la carte du thriller angoissant, mais l’inscrit dans un contexte très actuel : le sort parfois réservé aux migrants. Avec ce mystérieux 37 comme clé du mystère.
Guillaume Pottier
Un soir, sur une route, un camionneur déroge à sa règle d’or et laisse monter dans sa cabine une femme enceinte qui semble passablement égarée. Petit à petit, le comportement de cette passagère se révèle de plus en plus étrange et le piège se referme. La mise en scène excelle à jouer de la nuit et de toutes ses incertitudes. Jusqu’au moment où la tension atteint son comble. Avec pour cahier des charges une unité de temps et de lieu (en mouvement), et une confrontation réduite dans un premier temps à deux personnages qui vont s’avérer posséder un lien ténu. Arthur Môlard ne cherche jamais à tricher et se concentre sur ses deux interprètes encore peu connus, les excellents Guillaume Pottier et Melodie Simina auxquels on peut prédire un avenir prometteur, et l’alchimie qui s’établit entre eux. 37 : l’ombre et la proie est une mécanique de haute précision qui ne trouve sa pleine cohérence à la fin. À ce moment où ce qui ressemblait à un suspense angoissant nous confronte brutalement à un phénomène de société beaucoup plus vaste et nous renvoie à notre responsabilité de nantis face à une situation géopolitique que nous refusons d’assumer, quitte à laisser notre dignité bafouée par nos petites lâchetés. Qu’on considère ce spectacle efficace comme un film de genre ou comme un conte moral, le talent de son metteur en scène s’impose comme une évidence et nous donne une furieuse envie de le voir aux prises avec des moyens plus conséquents et un sujet plus ambitieux pour décider s’il relève davantage des auteurs ou des faiseurs.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire