Film britanno-germano-espagnol de Nora Fingscheidt (2024), avec Saoirse Ronan, Paapa Essiedu, Stephen Dillane, Saskia Reeves, Nabil Elouahabi, Izuka Hoyle, Lauren Lyle, Dayal Ismail, Posy Sterling, Conrad Williamson, Naomi Wirthner, Jack Rooke, Seamus Dillane, Eilidh Fisher, Scott Miller, Paul Kulik… 1h58. Sortie le 2 octobre 2024.
Saoirse Ronan
La comédienne irlandaise Saoirse Ronan fait partie de ces actrices dont les choix reflètent l’exigence. Sa seule présence à un générique est devenue en quelque sorte un gage de qualité. Avec pour implication peu de productions commerciales et de rôles superficiels. La réalisatrice allemande de Benni (2019) a trouvé en elle l’interprète idéale de son nouvel opus, The Outrun : une femme se réfugie sur une île de l’archipel écossaise des Orcades où elle a grandi et se trouve confrontée aux spectres de sa jeunesse qu’elle a fuis pour mener une vie dissolue à Londres et rater sa vie conjugale en reproduisant les erreurs de ses propres parents. Il lui faut donc se battre pour retrouver une relative sérénité sur une terre lourde de souvenirs et surmonter ses multiples addictions récurrentes dans une solitude qui vaut mieux que ses relations impossibles avec des autochtones pas vraiment disposés à la compassion et à l’entraide. Une tentative de rédemption surhumaine qui la contraint à affronter ses vieux démons, à commencer par une mère toxique dont il n’y a rien à espérer. Le film joue habilement du contraste entre cette rebelle déchue qui change de couleur de cheveux en fonction de ses humeurs et un cadre naturel sauvage propice à toutes les tentations… quand on va bien.
Saoirse Ronan et Stephen Dillane
Basé sur les mémoires d’Amy Liptrot, une confession toute en introspection, The Outrun (littéralement “courir plus vite”) est indissociable de son personnage principal omniprésent dont il suit le calvaire pas à pas, pour ne pas dire plan à plan, comme une montagne qu’on escalade avant de trébucher, de retomber et de repartir dans son ascension. Une structure qui pourrait constituer une épreuve ô combien laborieuse, tant l’objectif s’éloigne au fur et à mesure qu’il se rapproche. C’est compter sans la présence incroyable de Saoirse Ronan, plus lumineuse que jamais dans ce combat contre elle-même, mais déterminée à surmonter les démons qui la rongent et à briser la fatalité de sa dépendance. Pour tenir ce rôle complexe, l’actrice a notamment travaillé avec un chorégraphe afin d’exprimer dans ses gestes ses tourments intérieurs. Nora Fingscheidt n’œuvre pourtant jamais dans le pathos. Elle considère cette femme comme une battante prête à tout pour s’en sortir dans un environnement hostile. Elle prend aussi le contre-pied de la plupart des films consacrés à l’enfer de la drogue ou de l’alcool, du Poison (1945) de Billy Wilder au Dernier pour la route (2009) de Philippe Godeau, ne serait-ce qu’en s’attachant à une femme dans la tourmente, sans jamais la juger ni la condamner. Avec surtout une interprète en apnée qui confirme qu’elle est l’une des meilleures actrices de sa génération. Sans jamais forcer son talent prodigieux.
Jean-Philippe Guerand
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