Accéder au contenu principal

“Sauvages” de Claude Barras



Film d’animation belgo-franco-suisse de Claude Barras (2024), avec (voix) Babette de Coster, Martin Verset, Laetitia Dosch, Benoît Poelvoorde, Pierre-Isaïe Duc, Michel Vuillermoz, Gaël Faye, Sailyvia Paysan, Nelly Tungang, Komeok Joe… 1h27. Sortie le 16 octobre 2024.





Révélé par le succès de son premier long métrage, Ma vie de Courgette, le réalisateur suisse Claude Barras met à profit les ressources à peu près illimitées de l’animation pour aborder dans son nouveau film le problème crucial de la déforestation et des menaces qu’elle fait planer sur l’humanité tout entière. Il va toutefois bien au-delà de cet enjeu écologique à travers l’histoire d’une gamine qui recueille un bébé orang-outan et s’aventure dans la jungle de Bornéo pour le rendre à sa famille. Sachant que son propre père travaille dans une plantation, le propos du film s’inscrit dans le cadre d’une dénonciation de nos mauvaises manières et de l’impact de notre consommation d’huile de palme sur la survie de la planète. Dans le fond comme dans la forme, Sauvages affiche une ambition que l’animation permet de satisfaire dans un cadre économique raisonnable et à l’aide de ressources narratives particulièrement vastes, un tel sujet requérant un minimum de moyens par son sujet au moins autant que par son cadre comme en a attesté récemment un autre film sur une thématique proche : La promesse verte d’Édouard Bergeon. Claude Barras a ainsi pu laisser s’exprimer son imagination débordante et généreuse, en restant maître de cette entreprise ambitieuse qu’il a développée en amont avec le concours précieux de la scénariste Catherine Paillé.





Sauvages est le cri du cœur d’un cinéaste humaniste qui choisit de s’adresser au public le plus large possible en utilisant des techniques d’animation qui reflètent la primauté de l’humain sur la machine. Une belle mécanique destinée à sensibiliser un cœur de cible particulier, les enfants, à une problématique qui les concerne à bien des égards, à la fois parce que leur génération est la première concernée par l’urgence écologique, mais aussi parce que c’est parmi elle que se recrutent les plus insatiables consommateurs de pâte à tartiner dont certains fabricants continuent à observer des pratiques rien moins que criminelles. Ce film engagé est aussi un pur plaisir esthétique à travers lequel la typologie reconnaissable des personnages de Ma vie de Courgette se trouve inscrite dans un cadre exotique et luxuriant qui évoque certains romans de Rudyard Kipling. À cette différence près que l’industrialisation est passée par là et que 130 ans après la publication du Livre de la jungle, son cadre luxuriant s’est vu amputé d’une part considérable de sa surface par des promoteurs dénués de scrupules. Sauvages est donc un film engagé sinon militant qui choisit pour porte-paroles trois personnages aussi différents qu’attachants : une gamine rebelle dotée d’une forte conscience, son cousin issu d’une tribu locale et un bébé orang-outan dont l’espèce entière est menacée par la déforestation mais dont Claude Barras tient à respecter l’état sauvage, notamment quand il le montre engloutissant des sangsues. C’est toute la magie de cette belle histoire que de ne jamais considérer les spectateurs comme ignorants ou même innocents, pour les confronter à une réalité qui n’est en aucun cas une fatalité.

Jean-Philippe Guerand






Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract