Lee Film britannique d’Ellen Kuras (2023), avec Kate Winslet, Andy Samberg, Alexander Skarsgård, Marion Cotillard, Josh O’Connor, Andrea Riseborough, Noémie Merlant, Vincent Colombe, James Murray, Samuel Barnett, Enrique Arce, Zita Hanrot, Arinzé Kene, Patrick Mille, Riley Neldam… 1h52. Sortie le 9 octobre 2024.
Marion Cotillard et Kate Winslet
Tout biopic qui se respecte a besoin d’une incarnation pour dépasser le simple stade de la reconstitution, aussi soignée puisse-t-elle être. Ellen Kuras a trouvé en Kate Winslet l’interprète idéale de Lee Miller. Cette égérie des surréalistes devenue photographe et confrontée à ses responsabilités en étant l’une des premières à pénétrer dans les camps de concentration de Dachau et Buchenwald a vécu une existence pour le moins hors du commun dont ce premier film ambitieux relate les multiples enjeux. D’abord parce qu’elle est parvenue à passer du statut de modèle à celui d’artiste. Ensuite parce qu’elle a su s’imposer en tant que femme dans un monde d’hommes. Enfin parce qu’elle a su ouvrir l’œil au bon moment et sans jamais détourner son regard, quelle que soit la dureté du spectacle qui s’offrait à elle. Ce sont ces divers enjeux qu’aborde cette reconstitution soignée en se concentrant sur le caractère atypique de son héroïne qui goûte autant les fastes de la vie mondaine que son immersion au cœur même de la barbarie. Ce destin individuel balloté par une époque faste est mis en scène en s’inspirant de l’esthétique même des photos de Lee Miller dans lesquelles le strict respect de la réalité passait parfois par un coup de pouce de l’artiste pour exprimer une idée particulière. À l’image de ce cliché célèbre publié dans le magazine “Life” où elle pose nue dans la baignoire d’Adolf Hitler, dans son appartement de Munich, au moment même où celui-ci met fin à ses jours et par extension au Troisième Reich dans son bunker berlinois.
Kate Winslet, Noémie Merlant et Vincent Colombe
“ Je ressemblais à un ange mais, à l’intérieur, j’étais un démon ”, a déclaré un jour Lee Miller. C’est précisément cette personnalité complexe à laquelle s’est identifiée Kate Winslet dont ce rôle écrasant est l’une des plus belles compositions. Certes, le film coche à peu près toutes les cases du biopic, mais il est nourri en cela par la personnalité hors du commun de son héroïne qui a transformé sa vie en destin en fréquentant les bonnes personnes au moment opportun avec un instinct infaillible. Une étonnante coïncidence veut qu’il sorte le même jour que Niki, autre destin d’une muse que sa détermination pousse à devenir à son tour une artiste. Deux femmes modernes qui ont réussi à transformer leurs failles en force. Avec en outre pour Lee Miller un réseau de relations fourni qui ressemble au Bottin mondain et lui vaut de fréquenter le gratin culturel des Années Folles, d’abord dans l’ombre de Man Ray auprès duquel elle tient le rôle de modèle et d’assistante, ensuite en frayant avec Paul Éluard, Pablo Picasso pour qui elle pose et Jean Cocteau qui la filme en statue dans Le sang d’un poète (1932). C’est cette femme multiple et insaisissable qu’essaie de saisir ce film soigné mais forcément parcellaire, interprété qui plus est par plusieurs comédiens français parmi lesquels Marion Cotillard, Noémie Merlant, Zita Hanrot et Patrick Mille. Sa réalisatrice est quant à elle d’autant plus inspirée par son sujet qu’elle a d’abord été directrice de la photographie pour des auteurs tels que Spike Lee, Jim Jarmusch ou Michel Gondry. Son film est visuellement une splendeur qui sert à merveille son sujet : l’image dans tous ses états.
Jean-Philippe Guerand
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