Film français de Simon Bouisson (2024), avec Marion Barbeau, Eugénie Derouand, Cédric Kahn, Stefan Crepon, Bilel Chegrani… 1h50. Sortie le 2 octobre 2024.
Marion Barbeau
La vulgarisation des drones a engendré au cinéma la systématisation des plans zénitaux qui ont parfois une fâcheuse tendance à prendre une sorte d’ascendant artificiel sur l’action, comme naguère certains mouvements de grue ostentatoires qui annonçaient le générique final. Rares sont les films où ils s’avèrent vraiment justifiés. Sans doute ce nouveau tic de mise en scène donne-t-il à ses usagers un sentiment de surpuissance bien dérisoire. Avoir la capacité de dominer, c’est en quelque sorte se prendre pour Dieu, même si la perte de sens est souvent d’usage. Le premier long métrage de cinéma de Simon Bouisson aborde un autre aspect de cette invention diabolique : la surveillance rapprochée et tout ce qu’elle implique pour les services secrets, les armées voire à une échelle plus modeste la protection des biens et des personnes sur des sites plus ou moins sensibles. Ce nouvel œil s’avère propice aux élucubrations les plus folles, dans l’esprit du fameux Big Brother prophétisé par George Orwell dans son roman dystopique 1984, publié il y a déjà trois quarts de siècle. Le propos de Drone est plus modeste et repose sur certains codes du film noir. Une étudiante en architecture plutôt introvertie remarque la présence d’un mystérieux engin volant qui semble l’espionner, sans manifester pour autant une quelconque hostilité. Cette intrusion intempestive au cœur même de son intimité suscite en elle les élucubrations les plus folles.
Marion Barbeau et Eugénie Derouand
Remarqué pour la série Stalk, Simon Bouisson confirme sa fascination pour les nouvelles technologies et les menaces qu’elles font peser sur les libertés individuelles. Fipa d’or 2016 pour la fiction interactive Wei or Die, il développe en outre actuellement un projet autour de l’intelligence artificielle. C’est dire combien il est en prise avec la modernité et ses dangers, à commencer par l’espionnage et le voyeurisme. Son héroïne qu’incarne la danseuse étoile Marion Barbeau révélée par Cédric Klapisch dans En corps (2022) arrondit d’ailleurs ses fins de mois en se livrant à des effeuillages tarifés sur Internet. Jusqu’au moment où cet œil qui l’observe devient en quelque sorte son allié et lui donne l’opportunité de renoncer à ses séances de “caming” en lui laissant partager son regard. Revival au goût du jour de Fenêtre sur cour (1954) d’Alfred Hitchcock et de Brève histoire d’amour (1988) de Krzysztof Kieslowski, Drone s’inscrit dans la lignée de ces films comme Aux yeux de tous (2012) de Cédric Jimenez et Le deuxième acte de Quentin Dupieux où la machine en vient à prendre le pouvoir sur l’humain et à imposer sa loi, que ce soit à travers des caméras de surveillance omniprésentes ou de l’IA en tant que substitut créatif. Reste que le seul véritable enjeu de ce thriller rondement mené consiste à savoir qui se cache derrière la machine infernale. Avec en prime une romance plaquée un peu artificiellement, malgré la photogénie d’Eugénie Derouand, et des personnages secondaires trop vaguement esquissés.
Jean-Philippe Guerand
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