Between the Temples Film américain de Nathan Silver (2024), avec Jason Schwartzman, Carol Kane, Doll de Leon, Caroline Aaron, Robert Smigel, Madeline Weinstein, Matthew Shear, Keith Poulson, Annie Hamilton, Pauline Chalamet, Jacob Morrell… 1h51. Sortie le 23 octobre 2024.
Jason Schwartzman et Carol Kane
À une époque où le cinéma indépendant américain est devenu l’ombre de lui-même, comme en attestent les sélections de festivals spécialisés comme Sundance et Deauville dont la plupart des films en sélection ne parviennent même pas jusqu’aux canaux de distribution traditionnels, Carla et moi fait figure de pépite par sa fraîcheur et sa simplicité. Nathan Silver y orchestre les retrouvailles d’un chanteur de synagogue privé de sa voix et relégué à la préparation à leur bar-mitzvah des enfants de la communauté juive avec une enseignante de musique qui a l’âge d’être sa grand-mère mais affiche une bonne humeur à toute épreuve. Une rencontre d’autant plus miraculeuse que cette aînée plutôt excentrique va aider son cadet à se remettre d’un veuvage douloureux et qu’en retour il va l’accompagner vers sa communion tardive. Échange de bons procédés vertueux transcendé par la personnalité de ses protagonistes : Jason Schwartzman, trop longtemps réduit à ses rôles chez son copain Wes Anderson, et surtout Carol Kane, actrice inoubliable en juive orthodoxe russe de l’aube du XXe siècle dans Hester Street (1975) de Joan Micklin Silver dont le regard pénétrant nous a manqué pendant trop longtemps, malgré des apparitions régulières mais le plus souvent indignes de son talent. Son homonyme Nathan Silver signe là son neuvième long métrage depuis 2009, le seul distribué à ce jour en France ayant été la comédie romantique C’est qui cette fille ? (2017), pour une bonne part parce qu’il se déroulait à… Paris.
Carol Kane et Jason Schwartzman
Carla et moi, titre plus justifié que l’original Between the Temples (littéralement Entre les temples), est une comédie délicieuse et subtile qui répond aux critères de ce qu’on a coutume de qualifier d’humour juif par la propension qu’ont les personnages à savoir rire d’eux-mêmes en nous prenant à témoin. Il y a quelque chose de la poésie lunaire d’Harold et Maude (1971) d’Hal Ashby dans cette complicité atypique entre un type perdu et une femme qui se cherche à un âge où elle devrait s’être trouvée, le tout sous le signe d’une inversion des rôles, l’enseignante devenant l’élève de son ex-disciple. Nathan Silver qui avoue s’être inspiré de sa propre mère pour tricoter cette histoire cisèle sa comédie de caractères avec une légèreté de tous les instants. Quelle que puisse être la gravité de son propos, et surtout ses implications, il prend soin d’éviter les pièges de la solennité au profit d’une insouciance partagée où la religion ne sert qu’à accroître les multiples questionnements de ses personnages pour les soulager d’une partie du poids du monde qui risque de les accabler jusqu’au désespoir. En digne émule de Woody Allen, Silver a le don de relativiser en souriant des névroses de ce couple atypique qui cherche sa place dans le monde. Le film est traité sur le ton de la chronique et témoigne d’une rare complicité entre ces deux originaux qui se réconfortent l’un et l’autre, tout en évitant la tentation du pathos au profit d’une bonne humeur réconfortante. Au point que Carla et moi en arrive en devenir un véritable doudou cinématographique qui n’a d’autre prétention que de réconforter sans pour autant abuser de la corde sensible. Avec en prime une très joyeuse affiche française qui évoque à dessein la bohème new-yorkaise chère à Woody Allen première période.
Jean-Philippe Guerand
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