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“Barbès, little Algérie” d’Hassan Guerrar



Film français d’Hassan Guerrar (2024), avec Sofiane Zermani, Khalil Gharbia, Khaled Benaissa, Eye Haïdara, Adila Bendimerad, Clotilde Courau, Nedjim Bouizzou, Djouhra Lacroix, Soolking, Tariq Bettahar, Hafida Chimlil, Laura Resinger… 1h33. Sortie le 16 octobre 2024.



Sofiane Zermani et Khalil Gharbia



Le quartier de Barbès-Rochechouart pendant le confinement. Fraîchement débarqué d’Algérie, Malek prend ses marques parmi la communauté algérienne de Paris et découvre la solidarité et l’entraide en période de crise. Pour son premier film en tant que réalisateur, Hassan Guerrar, attaché de presse de cinéma depuis quatre décennies, a décidé de parler de ce qu’il connaît le mieux sous le signe de la binationalité qui est la sienne. En l’occurrence du quartier où il a grandi et vécu enfermé à ciel ouvert à l’occasion de la pandémie de Covid-19. Une contrainte sanitaire qui l’a poussé à passer à l’acte et à ouvrir les yeux sur ce paysage urbain soudain figé dans une partie absurde d’un, deux, trois soleil… Cette chronique, il l’a écrite avec trois collaborateurs de choix : les réalisateurs Audrey Diwan (L’événement) et Peter Dourountzis (Vaurien) et son complice Rachid Benzine. Résultat, Barbès, little Algérie, titre qui renvoie évidemment à la Little Italy devenue un décor new-yorkais à part entière devant la caméra de Martin Scorsese ou Abel Ferrara, ressemble moins à l’œuvre d’un débutant qu’à l’aboutissement d’une vie passée à se nourrir des bruits, des couleurs et des parfums de ce havre intemporel lové au pied de Montmartre. Avec pour guides un autochtone et un nouveau venu débarqué du bled. Une confrontation humaine passionnante mais à haut risque qui se nourrit également d’une belle brochette de seconds rôles jamais décoratifs.



Eye Haïdara et Sofiane Zermani



Barbès est essentiellement associé au cinéma à deux genres emblématiques : la comédie, à travers Black mic mac ou une franchise comme La vérité si je mens !, et le polar, de Tchao pantin au récent Karmapolice. Comme s’il s’agissait de l’épicentre intemporel du grand banditisme et des petits trafics. Résultat, on en a perdu de vue la réalité des lieux au profit d’un folklore qui se perpétue depuis des décennies, malgré l’impact glamour d’un film comme Le destin fabuleux d’Amélie Poulain qui a suffi à lui seul à faire grimper le prix des loyers et à rendre son prestige international à Montmartre. Hassan Guerrar préfère montrer ce qu’il connaît le mieux : un quartier gouverné par la solidarité et l’entraide où au moment du jeûne du ramadan, les habitants nourrissent les sans-abris. Ce quartier bourdonnant, on ne l’avait sans doute jamais observé de la sorte jusqu’à présent. La meilleure idée du film est d’ailleurs de croiser deux regards pour tenter de les faire converger : celui d’un quinqua installé (l’excellent Sofiane Zermani) qui connaît ces rues comme sa poche et celui d’un jeune homme tout juste débarqué d’Algérie (le séduisant Khalil Gharbia) qui débarque pétri de préjugés et de méfiance, avec en lui une agressivité nourrie par ses origines au sein d’une société violente. L’immersion de ce chien fou dans ce quartier de cocagne où tout le monde se connaît s’avère donc d’autant plus explosive que les apparences sont souvent trompeuses et que le réalisateur s’emploie à les dépasser pour en dépeindre la vie quotidienne, qui plus est pendant cette parenthèse particulière que constitue le ralentissement provoqué par la crise sanitaire. Comme pour filmer la foudre au ralenti. C’est toute la magie de cette tranche de vie chaleureuse peuplée de personnages secondaires attachants, du magouilleur qui fournit des faux papiers à la responsable d’une association d’entraide en passant par une cafetière généreuse. Ce film possède un cœur gros comme ça, sans pour autant la moindre mièvrerie. Il témoigne d’un regard précieux à une époque en panne cruelle de repères.

Jean-Philippe Guerand







Sofiane Zermani

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